Piraterie et vols à main armée en Asie du Sud-Est : la nécessité d’une nouvelle approche
La région doit faire face à l’incidence croissante de la piraterie et des vols à main armée avant qu’elle ne devienne un grave problème de sécurité.
Des incidents de piraterie et de vols à main armée refont-ils surface dans les voies navigables d’Asie du Sud-Est ? Selon le rapport du premier trimestre du Centre de partage d’informations de l’Accord de coopération régionale sur la lutte contre la piraterie et les vols à main armée (ReCAAP), 25 vols à main armée contre des navires ont été signalés en Asie, la majorité se produisant en Indonésie, aux Philippines et dans le détroit. de Malacca et de Singapour (SOMS). Selon le rapport du premier trimestre, aucun incident de piratage n’a été signalé au cours de cette période.
La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer définit la piraterie comme tout acte illégal commis contre un navire « dans un lieu hors de la juridiction d’un État ». Par conséquent, toute action illégale contre les navires « dans les eaux intérieures d’un État, les eaux archipélagiques et la mer territoriale » est considérée comme un vol à main armée, selon le Code de pratique de l’Organisation maritime internationale. La distinction est importante car de nombreux incidents dans les eaux de l’Asie du Sud-Est relèvent de la catégorie des vols à main armée, compte tenu des détroits étroits qui traversent les eaux territoriales ou les eaux archipélagiques des nations de la région. Cependant, la récente augmentation des vols à main armée a néanmoins suscité des inquiétudes quant à la sûreté et à la sécurité des voies de communication maritimes qui traversent l’Asie du Sud-Est.
Entre 2007 et 2022, l’incidence de la piraterie et des détournements de navires contre rançon a été considérablement réduite grâce à de multiples mesures, notamment des patrouilles coordonnées, la surveillance, le partage d’informations, le renforcement des capacités, la mise en place de centres de contrôle et le renforcement des cadres juridiques. En outre, la mise en place du ReCAAP a été cruciale dans la construction du réseau entre les parties prenantes et les pays côtiers. Mais, il y a eu une augmentation notable des vols à main armée signalés dans le SOMS et au large des côtes indonésiennes depuis 2015. Bien que les incidents signalés aient principalement impliqué le vol d’articles insignifiants tels que la cargaison, l’huile, les pièces de rechange, la ferraille, les vannes, et raccords, ils ne doivent pas être négligés. Il ressort clairement de ces incidents que les auteurs armés ont identifié des faiblesses dans les opérations de maintien de l’ordre dans la région et concentrent leur attention sur le vol d’objets de faible valeur. Les nations littorales d’Asie du Sud-Est devraient régler ce problème rapidement avant qu’il ne dégénère et ne devienne un problème de sécurité régionale.
Afin de lutter efficacement contre ces menaces, il est crucial de comprendre les trois principaux facteurs responsables de l’augmentation de la piraterie et des vols à main armée en Asie du Sud-Est.
Premièrement, les voies de navigation étroites et fréquentées de la région, les grands espaces de mouillage et la forte densité de navigation obligent les navires à se déplacer plus lentement, ce qui les rend vulnérables aux pirates. Cela rend également moins cher et plus rapide pour les pirates de cibler les navires plus près des zones portuaires ou des eaux territoriales. Il a été observé que les criminels utilisent souvent de petits bateaux ressemblant à des navires de pêche pour éviter d’être détectés par les forces de l’ordre. Selon le « Guide Book on Identification of Fishing Boats in the Asian Waters », que le ReCAAP a publié afin de familiariser les capitaines et les équipages avec les caractéristiques et l’apparence des bateaux opérant dans la région, les pirates utilisent également des technologies de pointe comme le GPS, l’identification automatique Des systèmes et des radars pour planifier leurs braquages à l’avance.
Deuxièmement, les marines régionales, les garde-côtes et les organismes civils d’application de la loi ont une capacité limitée pour effectuer des patrouilles régulières et surveiller les activités illégales dans leurs eaux territoriales et leurs zones économiques exclusives. Selon certaines informations, des responsables de l’application des lois seraient de connivence avec des pirates en les informant des mouvements et de la nature des cargaisons et, dans certains cas, en leur permettant d’opérer dans les eaux territoriales. En raison de la faiblesse de la gouvernance et de la corruption dans de nombreux pays d’Asie du Sud-Est, de nombreux pirates parviennent à échapper à la loi. Le problème est exacerbé par le manque de coordination entre la marine, les forces de l’ordre et les autorités portuaires.
Troisièmement, les différences dans les lois nationales sur la piraterie entre les États côtiers restent un problème important. Le gouvernement de Singapour a promulgué des lois spécifiques pour résoudre le problème. Bien que la Malaisie n’ait pas de loi spécifique sur la piraterie, sa loi de 2004 sur l’Agence maritime de lutte contre la fraude contient une disposition relative aux crimes odieux comme la piraterie. Cependant, le fait que les vols à main armée ne relèvent pas de la définition de la piraterie donnée par la loi est préoccupant. Dans le cas de l’Indonésie, les experts ont souligné que la loi anti-piraterie du pays est inefficace pour lutter contre le piratage et que les peines prononcées par les tribunaux indonésiens sont moins sévères par rapport aux pays voisins. Les divergences dans les lois nationales compromettent également la coopération avec d’autres pays dans la lutte contre le piratage dans le SOMS.
Malgré plusieurs initiatives telles que la patrouille coordonnée et le partage d’informations entre les marines d’Asie du Sud-Est, la coopération maritime pratique s’est avérée insuffisante pour résoudre le problème persistant de la piraterie dans le SOMS. Compte tenu de la nature de la piraterie et des vols à main armée dans la région aujourd’hui, il est crucial pour les pays d’Asie du Sud-Est de mettre en place des mesures conjointes afin d’endiguer ces activités dans la région. Les gouvernements de la région peuvent également envisager de former une agence régionale uniquement chargée de la lutte contre le piratage et le vol en élaborant des lois uniformes, strictes et exécutoires pour la région et en réduisant le chevauchement entre les organes étatiques existants qui fonctionnent de manière indépendante.