Post-Hasina Bangladesh’s Multiple Challenges

Les multiples défis du Bangladesh après Hasina

« Un, deux, trois, quatre, Sheikh Hasina, dictatrice », criaient les manifestants dans les rues de Dacca ces dernières semaines. De tels slogans auraient été inimaginables au Bangladesh il y a quelques mois à peine, étant donné la mainmise de la Première ministre Sheikh Hasina sur le pouvoir depuis 2009.

En janvier de cette année, la Ligue Awami de Hasina a remporté les élections, grâce à une manipulation généralisée du vote et à l'exclusion du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), parti d'opposition.

Il a fallu quatre processus électoraux truqués pour que la Ligue Alabama remporte le scrutin, une corruption endémique (Durniti en langue bengali), la « justice » rendue au gré des gouvernants, et les multiples pièges de vulnérabilité (économique, social et climatique) dans lesquels le Bangladesh est pris, pour que le régime Hasina s’effondre comme un château de cartes.

La violence politique étant endémique depuis la création du Bangladesh en 1971, il a fallu plus de 300 morts, des milliers de blessés et d'autres placés en garde à vue, et un nombre indéterminé d'exécutions sommaires et de disparitions forcées pour que les protestations de la jeunesse, d'abord organisées contre la répartition inéquitable des quotas dans la fonction publique, réduisent en poussière cette puissance hégémonique.

Fille du cheikh Mujibur Rahman, leader de l'indépendance du Bangladesh, Hasina s'est enfermée dans une image quasi messianique de « fille de la démocratie ». Elle a voulu préserver, quel qu'en soit le prix, l'héritage politique et historique de son père en ne tolérant aucune contestation sur le rôle de ce dernier, mettant en péril la liberté d'expression par de lourdes sanctions pénales.

Elle a donc cherché à imposer une vision unique de l’histoire du Bangladesh (« Un parti, une histoire, un récit »), avec des connotations totalitaires, tout en imposant des lignes rouges à la liberté d’expression.

Au-delà de la violence politique physique, Hasina a également cautionné la violence dans ses discours. « Ne torturez pas lorsque cela n’est pas nécessaire », a-t-elle déclaré le 26 avril 2017, devant un auditoire de représentants du Bataillon d’action rapide, une force civilo-militaire sous son commandement créée en 2004. En substance, elle cautionnait la torture lorsque cela était « nécessaire ».

Cette violence symbolique s’illustrait également par un récit très arrogant.

Le 7 septembre 2023, Hasina a demandé aux minorités ethniques et religieuses du Bangladesh de cesser de se présenter comme des « victimes ». Il y a quelques semaines, elle comparait les étudiants qui manifestaient contre le système de quotas pour l’attribution des postes dans la fonction publique à «Razakars”, un terme bengali fort qui fait référence aux combattants qui étaient contre l’indépendance du Bangladesh et qui ont combattu aux côtés des forces pakistanaises.

Il n’est donc pas surprenant que ces mêmes manifestants aient attaqué les symboles de cette violence d’État comme la maison de l’ancien ministre de l’Intérieur Asaduzzaman Khan, et les maisons des membres de la Ligue Awami. Les statues de Sheikh Mujibur Rahman ont été brûlées. Très représentatif des symboles de l’ancien régime, le Bangabandhu Memorial Museum, dédié à l’héritage politique et historique de Sheikh Mujibur Rahman, a été incendié le 5 août.

La société bangladaise d’aujourd’hui a soif de justice – justice économique, justice sociale et justice pénale. Il est important que le pays soit reconstruit de manière à répondre aux aspirations des citoyens bangladais. Il s’agit d’un pays confronté à de multiples crises, notamment une crise économique, une crise imminente due au changement climatique et à la montée des eaux, qui pourrait entraîner la perte de 20 % de son territoire d’ici 2050.

L’armée bangladaise souhaite organiser la transition du pouvoir sans y participer directement. Elle est confrontée à des défis de taille.

Le gouvernement intérimaire doit d’abord s’attacher à panser les plaies des victimes directes et indirectes du régime Hasina tout en organisant une transition politique en s’attaquant aux forces d’opposition qui ont été sévèrement affaiblies au cours des 15 dernières années. Dans cette période de transition, deux enjeux majeurs se profilent à l’horizon : la réforme du secteur de la sécurité, en particulier de la police et de la myriade de services de renseignement de sécurité, ainsi qu’une réflexion sur les pistes à suivre pour organiser une justice transitionnelle afin de répondre aux soifs de justice de nombreux citoyens bangladais.

La réussite de cette transition politique qui pourrait durer dépendra avant tout de la volonté et de la volonté de la société bangladaise de s’unir et de faire preuve de solidarité tout en surmontant les divisions sociales et les pratiques clientélistes.

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