Les grands chiffres dont l'Inde a besoin pour atteindre son objectif de 2047
Lorsque le Premier ministre indien Narendra Modi s'est adressé à la nation le jour de l'indépendance, le 15 août, il a présenté une vision ambitieuse de «Viksit Bharat« signifiant « l’Inde développée ». La date butoir pour y parvenir est 2047, soit le 100e anniversaire de l’indépendance.
L'objectif peut être fixé à 20 000 dollars de revenu réel par habitant en dollars courants. Si elle y parvient, l'Inde se retrouvera aux côtés de pays européens modestement riches, comme l'Inde. Grèce.
Le revenu par habitant actuel de l'Inde est de 2 500 dollars, ce qui signifie que le pays devrait le multiplier par huit en seulement 23 ans. C'est comme courir après un score supérieur à 400 lors d'un match international de cricket d'une journée, sur un terrain qui se détériore.
Pour que l’Inde atteigne cet objectif, il faudra des stratégies audacieuses. Une politique progressive et lente ne suffira pas. Le « taux demandé » est de 9,4 % de croissance en termes réels année après année pour les 23 prochaines années.
L’histoire a déjà connu quelques cas de ce genre. Certaines économies d’Asie de l’Est, comme la Corée du Sud, Singapour et Taiwan, ont connu une croissance impressionnante de 8 % entre le milieu des années 1960 et le début des années 1990. Ceci est largement connu sous le nom de Le miracle de l'Asie de l'EstAprès ses réformes de 1978, la Chine a également réalisé son miracle, une taux de croissance de près de 10 pour cent sur une période prolongée.
L’Inde aura besoin de son propre miracle pour réaliser un exploit similaire.
Il n’est pas possible de se contenter de copier les modèles est-asiatiques ou chinois. Le contexte politique des économies est-asiatiques et chinoises dans leur phase de forte croissance était très différent du contexte indien actuel. Mais, plus important encore, le modèle de croissance utilisé par ces économies – une croissance tirée par l’industrie manufacturière et les exportations – n’est probablement pas applicable à l’Inde.
Pour commencer, le climat politique international actuel n’est pas propice à la mondialisation. Protectionnisme accru aux États-Unis et dans l’Union européenne et dans le fragilité des chaînes d'approvisionnement mondiales, Les changements intervenus lors de la crise financière mondiale de 2008 et de la pandémie de COVID-19 ont réduit l'ouverture au commerce. La part du commerce international dans le PIB mondial a été en baisse depuis 2008Certains économistes ont qualifié ce phénomène de «démondialisation.”
L’expansion de l’activité économique nécessaire pour que l’Inde multiplie son revenu par huit est également beaucoup plus difficile à réaliser dans un monde où la menace du changement climatique est réelle. Il est inconcevable qu’une économie de l’ampleur de celle de l’Inde puisse se multiplier par huit sans laisser derrière elle une empreinte carbone majeure. Dans un monde où il existe un consensus croissant sur la réduction des émissions, la pression sur les économies qui ne respectent pas les réglementations environnementales strictes va s’accroître.
Enfin, l’industrie manufacturière à forte intensité de main-d’œuvre et peu qualifiée est de plus en plus menacée par l’automatisation et l’intelligence artificielle. C’est l’une des raisons pour lesquelles les pays riches, qui disposent de capitaux abondants mais d’une main-d’œuvre coûteuse, tentent de rapatrier des emplois sur leurs côtes en utilisant des technologies d’automatisation telles que la robotique.
L’expérience de croissance du monde occidental et de l’Asie de l’Est (y compris la Chine) suggère que la voie classique vers la prospérité économique passe d’abord par l’essor du secteur manufacturier et le déclin de l’agriculture. L’essor des services ne suit qu’ensuite. L’Inde devra peut-être toutefois adopter un modèle de développement différent, dans lequel la croissance serait tirée par le secteur des services. C’est ce que pensent certains économistes de renom, comme le Dr Raghuram Rajan et Rohit Lamba. ont récemment soutenu.
C'est peut-être la seule chance pour l'Inde.
Pour réussir dans ce nouveau paradigme axé sur les services, l’Inde devra se lancer dans des réformes économiques qui encouragent la formation d’un capital humain hautement qualifié capable de rivaliser avec les meilleurs du monde. Cela nécessitera d’investir dans une politique éducative qui mette l’accent sur la pensée créative et les compétences entrepreneuriales plutôt que sur l’apprentissage par cœur.
Deuxièmement, l’Inde devra faire son marché des facteursen particulier le marché du travail, moins rigide. Cela permettra aux entreprises d'augmenter ou de réduire leurs effectifs en fonction des besoins dans un paysage technologique en rapide évolution.
La croissance tirée par les services a tendance à bénéficier aux personnes instruites des villes. Alors que l’aggravation des inégalités et la détresse rurale constituent déjà des préoccupations majeures, l’Inde devra entreprendre des réformes du secteur social pour garantir que les opportunités et les bénéfices d’un secteur des services en pleine croissance soient largement partagés. Sans cela, il y aura une réaction négative (comme on l’a déjà vu lors des récentes élections), rendant politiquement impossible le suivi du modèle de croissance axé sur les services.
En plus d'être un objectif souhaitable à atteindre, Viksit Bharat 2047 a de nombreuses significations symboliques. Cette date coïncide avec le centenaire de l'indépendance de l'Inde. La période qui y mène est surnommée «Amrit Kaal« – une époque propice marquant le destin manifeste de l’Inde vers la prospérité.
Sur une note plus sobre de la transition démographique, C'est aussi une fenêtre d'opportunité étroite pour l'Inde de s'enrichir avant de vieillir.
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