The India-Middle East-Europe Corridor in Europe’s Indo-Pacific Strategy

Le corridor Inde-Moyen-Orient-Europe dans la stratégie indo-pacifique européenne

Le Corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe (IMEC), lancé le 9 septembre lors du sommet du G20 à New Delhi, a le potentiel de devenir l’un des piliers de la stratégie indo-pacifique de l’Europe, qui semble de plus en plus axée sur Inde. Le protocole d’accord sur le corridor signé par l’Inde, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, les États-Unis, l’Union européenne (UE) et trois de ses principaux États membres, à savoir la France, l’Allemagne et l’Italie, est extrêmement pertinent non plus. non seulement pour des raisons économiques mais aussi et surtout pour son importance stratégique.

D’un point de vue européen, le nouveau corridor semble s’inscrire dans les nouvelles priorités stratégiques de la région Indo-Pacifique. L’IMEC apparaît comme une initiative parfaite pour traduire les nombreuses déclarations et initiatives diplomatiques entreprises par l’UE depuis 2021 en actions concrètes. En effet, le corridor pourrait, en premier lieu, compléter l’initiative ambitieuse connue sous le nom de Global Gateway, facilitant ainsi la réalisation de certains des objectifs fixés pour la région, notamment la connectivité et la prospérité durable et inclusive. Deuxièmement, l’IMEC peut être une mesure utile pour parvenir à ce que l’on appelle la « réduction des risques », ou le rééquilibrage progressif des relations commerciales et économiques entre l’UE et la Chine.

En particulier, la redéfinition de la stratégie européenne à l’égard de la Chine est en cours depuis un certain temps, stimulée par la politique chinoise des États-Unis et accélérée de manière décisive par l’invasion russe de l’Ukraine, qui a révélé toutes les limites de l’interdépendance économique entre des acteurs guidés par des valeurs contradictoires. et des visions. Dans ce contexte, une coopération à grande échelle avec l’Inde et les États-Unis, à travers le Golfe, apparaît pertinente pour l’UE car elle a le potentiel de faciliter la création de chaînes d’approvisionnement alternatives et résilientes et de relier entre eux les États dotés de grandes capacités de production, avancés technologies et capitaux à investir.

L’UE s’intéresse à l’Inde depuis un certain temps et ce protocole d’accord n’est que la dernière étape d’un assez long voyage. La volonté de Bruxelles de s’engager avec New Delhi s’est clairement manifestée dès avril 2022, lorsque la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a mentionné le renforcement et l’amélioration du partenariat UE-Inde comme une priorité pour un avenir proche dans son discours au Raisina. Dialogue.

En parallèle, les principaux États membres de l’UE ont également accéléré la revitalisation de leurs relations avec l’Inde. Le chancelier allemand Olaf Scholz s’est par exemple rendu dans le pays à deux reprises en 2023, en février et en septembre contre le G20. Scholz a également rencontré Modi en marge du sommet du G7 au Japon et, dans toutes ces circonstances, les deux dirigeants ont souligné leur volonté de renforcer les relations bilatérales, d’accroître les liens commerciaux et économiques (qui sont déjà excellents puisque l’Allemagne est le premier pays commercial). partenaire de l’Inde au sein de l’UE) et accroître la coopération dans le domaine de la défense.

Cette question a également été au centre des récentes discussions entre diplomates français et indiens, montrant que les principaux États de l’UE souhaitent jouer un rôle important dans le processus de diversification et de renforcement de la production nationale indienne dans le secteur de la défense. Même si Modi s’était déjà rendu en France pour rencontrer Macron en juillet 2023, à l’occasion du 25e anniversaire du partenariat stratégique, les deux dirigeants ont décidé de tenir une autre réunion bilatérale en marge du G20, reflétant la priorité qu’ils accordent tous deux au développement des relations franco-indiennes.

Dans ce contexte, l’Italie a également joué un rôle important. Rome considère l’IMEC comme la pierre angulaire manquante de sa stratégie pour l’Indo-Pacifique, qui, bien que jamais formalisée dans un document spécifique, est en cours d’élaboration depuis un certain temps déjà. La vision italienne vise en effet à relier la Méditerranée aux océans Indien et Pacifique en passant par le Moyen-Orient, qui doit donc servir de pont. L’IMEC, en plus d’épouser parfaitement cette perspective, offre à Rome l’opportunité de capitaliser sur le multiplicateur offert par la présence des alliés de l’UE, de renforcer la dimension maritime vitale pour le pays et de tirer parti des bonnes relations historiquement entretenues avec la plupart des pays du Moyen-Orient. acteurs.

En termes de timing, l’IMEC arrive donc à un moment décisif pour l’Italie, qui semble déterminée à ne pas renouveler le protocole d’accord signé en 2019 avec la Chine sur la coopération dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route ». Rome doit donc se préparer à d’éventuelles contre-mesures de la part de Pékin. En outre, le corridor sert l’intérêt national italien car il présente une opportunité pour les entreprises actives dans les secteurs maritime et ferroviaire, ainsi que dans l’énergie et les télécommunications.

C’est précisément le potentiel de stimulation de l’interconnectivité énergétique qui a été souligné par la Première ministre italienne Giorgia Meloni lors du G20. Meloni a également symboliquement retracé le chemin de von der Leyen en prononçant un discours lors du Dialogue Raisina en 2023. L’accent mis par l’Italie sur l’énergie et l’Asie du Sud est également né de l’adhésion du pays à l’Alliance mondiale des biocarburants, qui comprend l’Inde ainsi que le Bangladesh, un pays dont L’Italie accueille une importante diaspora comptant environ 150 000 personnes.

L’IMEC comprend également les Émirats arabes unis, où Meloni a fait une escale de deux jours à son retour d’Inde en mars dernier – une décision qui suggère que l’implication des diplomates respectifs sur cette question se poursuit depuis plusieurs mois. L’inclusion des pays du Golfe permet, d’une part, aux Européens de renforcer leurs relations géoéconomiques avec la région et, d’autre part, à l’Inde de relancer sa politique Look West, devenue de plus en plus pertinente pour le pays.

Malgré le potentiel extraordinaire de l’initiative, son développement par l’UE nécessite de surmonter certains problèmes urgents. Le premier concerne le profond déséquilibre économique et commercial entre les relations UE-Inde et UE-Chine. En effet, si l’on considère les données, le volume total des échanges commerciaux entre l’UE et l’Inde, bien qu’en croissance constante depuis 2012, reste environ huit fois inférieur au commerce de l’UE avec la Chine, qui a atteint 856 milliards d’euros en 2022. D’autres acteurs impliqués dans l’IMEC, dont l’Inde, importent des produits de haute technologie de Chine. Il est donc difficile d’imaginer l’autosuffisance dans des secteurs critiques pour les acteurs de l’IMEC à court et moyen terme.

Les différentes priorités politiques des différents acteurs impliqués, les États-Unis et l’Union européenne en particulier, aux prises avec le conflit prolongé en Ukraine, qui ne semble pas susceptible de se terminer de si tôt, pourraient également jouer un rôle dans le ralentissement de la mise en œuvre. Enfin, l’initiative IMEC intervient à un moment où un nouveau ralentissement de l’économie mondiale, et donc également de l’UE, est attendu. L’économie allemande, qui a toujours été le moteur de la croissance européenne, a notamment stagné au deuxième trimestre 2023, après une baisse de 0,1 % du PIB réel au premier trimestre. Il apparaît donc clair que seule une volonté politique forte peut permettre de dépasser les difficultés décrites et favoriser le développement rapide du segment européen des IMEC.

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