La France impose un couvre-feu en Nouvelle-Calédonie après que les manifestations sont devenues violentes
Les autorités du territoire français du Pacifique de Nouvelle-Calédonie ont annoncé mardi un couvre-feu de deux jours et interdit les rassemblements après de violents troubles sur ce vaste archipel marqué par des décennies de tensions entre les autochtones Kanak en quête d'indépendance et les descendants de colonisateurs qui veulent rester en France.
Le ministère français de l'Intérieur a annoncé l'envoi de renforts de police sur l'île qui a longtemps servi de colonie pénitentiaire et qui abrite désormais une base militaire française. Le ministère a indiqué que 82 personnes ont été arrêtées et 54 policiers et gendarmes ont été blessés. L'aéroport a été fermé et des dizaines de vols ont été annulés.
Le président de l’Union calédonienne indépendantiste, Daniel Goa, a appelé au calme mais a déclaré que les manifestations « révèlent la détermination de nos jeunes à ne plus se laisser gouverner par la France ». Goa a condamné les pillages qui « nous déshonorent et ne servent en rien notre cause et notre combat ».
Le haut responsable français du territoire, le haut-commissaire Louis Le Franc, a déclaré que la capitale, Nouméa, avait connu dans la nuit de lundi à mardi des perturbations de « haute intensité » qui ont endommagé des équipements de vidéosurveillance et de nombreux magasins. Les écoles ont été fermées mardi et la plupart des entreprises sont restées fermées. Des centaines de voitures ont été incendiées et des dizaines d’entreprises et de maisons étaient visibles en flammes sur des vidéos publiées sur les réseaux sociaux.
Les troubles ont commencé alors que les législateurs français débattaient de réformes électorales qui augmenteraient le nombre de personnes pouvant voter en Nouvelle-Calédonie.
Les opposants aux réformes affirment qu’élargir les listes électorales qui n’ont pas été mises à jour depuis 1998 profiterait aux politiciens pro-français de Nouvelle-Calédonie et marginaliserait davantage le peuple autochtone kanak, qui souffrait autrefois de politiques de ségrégation strictes et d’une discrimination généralisée.
Les personnes d’origine européenne en Nouvelle-Calédonie font la distinction entre les descendants des colonisateurs et les descendants des nombreux prisonniers envoyés de force sur le territoire. Le vaste archipel d'environ 270 000 habitants à l'est de l'Australie est 10 fuseaux horaires en avance sur Paris.
Le Premier ministre français Gabriel Attal a condamné les violences et appelé à un retour au dialogue « avec toutes les parties prenantes et tous les acteurs locaux » sur le projet de réforme qui a fait l'objet d'un débat houleux à l'Assemblée nationale, la chambre la plus influente du Parlement français.
Le ministre français de l'Intérieur et de l'Outre-mer, Gérald Darmanin, a affirmé que « des délinquants et parfois des criminels » étaient à l'origine de ces violences. Il a précisé que quatre escadrons mobiles de gendarmerie seront déployés en renfort, dont 15 gendarmes issus d'une unité d'intervention d'élite.
Les autorités locales ont également appelé au calme. Le président du Sénat coutumier, Victor Gogny, a déclaré que la jeunesse a le droit « d'exprimer ses revendications et aspirations légitimes » mais qu'elle doit s'efforcer de « dialoguer et de parvenir à un consensus ».
Le Franc, le haut-commissaire, a déclaré à la chaîne française BFM que des affrontements entre forces de police et manifestants indépendantistes et opposants à la réforme constitutionnelle se sont produits dans la nuit au Mont-Dore, une ville du sud-est proche de la capitale. Des coups de feu ont été tirés sur les gendarmes « avec des armes de gros calibre et des fusils de chasse », a-t-il précisé.
Il a déclaré que la situation restait « extrêmement tendue ».
Les rassemblements dans les lieux publics ont été interdits dans les communes de Nouméa, Dumbéa, Mont-Dore et Païta, et tous les déplacements sur la voie publique y ont été interdits de mardi après-midi jusqu'à mercredi matin, sauf urgence sanitaire et publique.
La Nouvelle-Calédonie est devenue française en 1853 sous l'empereur Napoléon III, neveu et héritier de Napoléon. Elle devient territoire d'outre-mer après la Seconde Guerre mondiale, la citoyenneté française étant accordée à tous les Kanaks en 1957.
Un accord de paix entre factions rivales a été conclu en 1988. Une décennie plus tard, la France a promis d'accorder à la Nouvelle-Calédonie le pouvoir politique et une large autonomie et d'organiser jusqu'à trois référendums successifs sur la question de l'indépendance.
Les trois référendums ont été organisés entre 2018 et 2021 et une majorité d’électeurs ont choisi de rester en France plutôt que de soutenir l’indépendance. Le peuple kanak indépendantiste a rejeté les résultats du dernier référendum de 2021, qu'il a boycotté parce qu'il s'est tenu au plus fort de la pandémie de COVID-19.