La Corée du Nord élargit l'interdiction des médias aux films chinois
La Corée du Nord a récemment élargi sa liste de médias interdits aux films et émissions de télévision chinois, marquant un changement significatif dans sa politique de censure. Traditionnellement, les interdictions nord-coréennes se concentraient sur les contenus sud-coréens et occidentaux ; cette nouvelle directive est la première à inclure les médias chinois. Cette décision signale des changements potentiels dans les relations du pays avec la Chine, un allié de longue date, ainsi qu'un durcissement des politiques sociales nationales.
Des séries et films chinois populaires comme « Les Amants papillons » et « Shanghai Bund », largement diffusés en Corée du Nord, figurent désormais sur la liste des médias interdits. Cette évolution a surpris de nombreux citoyens nord-coréens, qui regardaient auparavant ces films et considéraient comme acceptables les contenus de ce proche partenaire commercial.
« J'ai été surpris que des films et des émissions de télévision chinois, que je pensais pouvoir regarder sans problème, aient été qualifiés d'« enregistrements impurs » », a déclaré un habitant de la province du Hamgyong du Sud à Radio Free Asia (RFA).
La liste mise à jour, diffusée dans tout le pays en mai et juin, comprend également des chansons et des films sud-coréens, ainsi que des médias d'Inde et de Russie, bien que ces ajouts ne soient pas une surprise pour la population nationale ou les experts en affaires internationales.
La décision d’interdire les médias chinois pourrait suggérer une tension croissante dans les relations sino-nord-coréennes.
Les relations bilatérales ont atteint leur point le plus bas depuis des décennies après le tir de missile de la Corée du Nord près de la frontière chinoise en 2017, qui a eu lieu avant le premier Forum chinois sur les nouvelles routes de la soie la même année. Malgré plusieurs réunions de haut niveau depuis lors pour réchauffer les relations entre les deux États, la rhétorique agressive de la Corée du Nord s'est intensifiée, parallèlement à une augmentation des activités de tests de missiles.
Début 2024, Kim Jong Un a annoncé un changement majeur de politique envers la Corée du Sud, excluant toute possibilité d’unification pacifique de la Corée.
En outre, au cours du conflit en Ukraine, la Corée du Nord et la Russie ont renforcé leur coopération. En juin, les deux pays se sont engagés à se soutenir mutuellement dans le cadre du pacte le plus solide entre eux depuis la guerre froide. Le renforcement des liens entre la Corée du Nord et la Russie a suscité de vives inquiétudes à Washington et des sentiments mitigés à Pékin.
La Corée du Nord a également envoyé une délégation diplomatique en Iran en avril, signe d'une tentative stratégique de diversifier ses alliances et de renforcer sa coopération dans le domaine nucléaire et des missiles balistiques. Cela et l'alignement avec la Russie pourraient indiquer que le régime de Kim se sent moins dépendant de l'aide économique chinoise et cherche plutôt à coopérer avec d'autres États pour soutenir ses propres objectifs – et réduire la capacité de la Chine à dicter ses conditions à Pyongyang.
Au-delà des signaux les plus visibles de politique étrangère et militaire, la nouvelle interdiction de certains médias chinois s’accompagne d’un élément de récit historique et de fierté nationale.
Sur la liste des médias interdits, la Corée du Nord a interdit certaines conférences internes qui discutent des perspectives historiques chinoises et prétendent que la Chine cherche à déformer l'histoire de la Corée du Nord. Cette modification de politique découle probablement de discussions entre responsables du comité militaire sur des questions de litige historique, notamment le projet nord-est de la Chine, qui prétendait que l'ancien royaume de Goguryeo, un territoire qui s'étendait autrefois sur des parties de la Corée et de la Chine actuelles, était un gouvernement régional d'une minorité ethnique en Chine. Ce point de vue contredit les récits historiques coréens et a suscité une grande colère publique en Corée du Sud.
Apparemment, les dirigeants nord-coréens veulent empêcher le public d’être exposé à ces désaccords et cherchent plutôt à maintenir toute discussion ou reconnaissance du problème au niveau de la direction.
L'élargissement des restrictions s'inscrit également dans le cadre des efforts déployés par la Corée du Nord pour protéger sa population de l'influence étrangère et pour maintenir un contrôle strict sur l'information. En interdisant même les contenus chinois, le régime de Kim Jong-un tente de couper la population de tout type de contenu étranger (malgré la poursuite des activités de contrebande). Cette mesure fait également suite aux ordres récents donnés aux étudiants nord-coréens à l'étranger de revenir pour suivre une formation idéologique politique.
L’inclusion des médias chinois dans la liste des médias interdits est un nouveau signal de la politique de la Corée du Nord. La répression culturelle accrue de la Corée du Nord, associée aux provocations et aux changements de coopération internationale, suggère que les dirigeants nord-coréens redoublent d’efforts pour assurer le contrôle social et l’autonomie de la société afin de poursuivre leurs intérêts nationaux, peut-être de plus en plus au détriment d’un partenariat sino-nord-coréen étroit ou coopératif. Inévitablement, cette nouvelle dynamique complique considérablement l’équilibre de la Chine dans la région.