Un militant thaïlandais écope d’une peine de prison supplémentaire pour avoir insulté le roi
Un tribunal thaïlandais a condamné hier un éminent militant politique à quatre ans de prison supplémentaires pour avoir insulté la monarchie dans une publication sur les réseaux sociaux en 2021.
Selon le groupe de défense Thai Lawyers for Human Rights, Arnon, un avocat spécialisé dans les droits de l’homme de 39 ans, a violé la loi sur les délits informatiques et l’article 112 du code pénal thaïlandais, communément appelé loi de lèse-majesté, qui criminalise toute expression publique jugée insultante à la monarchie.
Entre autres choses, les messages critiquaient le roi Vajiralongkorn pour avoir assumé le contrôle personnel du portefeuille d’actifs de plusieurs milliards de dollars de la monarchie et critiquaient l’utilisation de l’article 112 contre des manifestants et des militants.
L’avocat d’Arnon, Kritsadang Nutcharat, a déclaré à Reuters que son client « a nié tout acte répréhensible » et a ajouté que son équipe ferait appel et, si nécessaire, porterait l’affaire devant la Cour suprême.
Le verdict d’hier est le deuxième des 14 procès intentés contre Arnon en vertu de la loi de crime de lèse-majesté, passible de peines allant jusqu’à 15 ans de prison. En septembre, il a été condamné à quatre ans de prison dans la première affaire, qui concernait un discours qu’il avait prononcé lors d’une manifestation en faveur de la démocratie en octobre 2020, dans lequel il appelait à un plus grand débat public sur le rôle politique de la monarchie thaïlandaise.
Arnon était un leader éminent de la campagne de protestations dominée par les jeunes qui a éclaté au milieu de cette année-là après la dissolution ordonnée par le tribunal du parti progressiste Future Forward, après sa troisième place aux élections générales de 2019. Les manifestations exigeaient la démission du Premier ministre Prayut Chan-o-cha et la création d’une nouvelle constitution véritablement démocratique. De nombreux militants ont également pris la mesure périlleuse de briser le tabou qui interdit d’inclure la monarchie thaïlandaise dans leur critique des concentrations déséquilibrées de richesse et de pouvoir en Thaïlande, appelant à des réformes de son pouvoir.
Depuis la condamnation de l’année dernière, les tribunaux ont déjà rejeté trois demandes de libération provisoire sous caution en attendant l’appel et Arnon a désormais abandonné sa tentative. S’il est reconnu coupable dans le cadre des 12 autres affaires de lèse-majesté portées contre lui, Arnon pourrait vraisemblablement passer des décennies en prison.
La décision de lèse-majesté d’hier fait partie d’une offensive plus large menée par l’establishment royaliste conservateur thaïlandais contre les dirigeants du mouvement de protestation, dont les jeunes électeurs ont contribué à conduire le Parti progressiste Move Forward (MFP), le successeur de Future Forward, à la victoire aux élections générales. en mai.
Depuis les manifestations de 2020, au moins 262 personnes ont été accusées de lèse-majesté, selon le groupe de défense Thai Lawyers for Human Rights. 138 autres personnes ont été accusées de sédition en vertu de l’article 116 du code pénal.
À bien des égards, le comportement du gouvernement depuis début 2021 n’a fait que prouver la véracité de l’affirmation d’Arnon selon laquelle la loi de lèse-majesté est utilisée pour réprimer ce qui, dans la plupart des autres contextes, serait des critiques politiques légitimes. En effet, plaider en faveur de la réforme ou de l’abrogation de l’article 112 est en soi devenu un facteur de risque de poursuites au titre de l’article 112. Pour avoir préconisé la réforme de la loi, entre autres engagements progressistes, le MFP a été empêché de former le gouvernement après les élections de mai et a été empêché de former un gouvernement. par la suite contraint à l’opposition.
Le parti pris politique du système judiciaire thaïlandais a été souligné hier par un autre verdict, dans lequel le tribunal pénal de Bangkok acquitté 32 dirigeants et membres de l’Alliance populaire pour la démocratie (PAD), mal nommée, sur des accusations de terrorisme et de rébellion. Connu sous le nom de « chemises jaunes », le PAD ultra-royaliste a pris le contrôle des deux aéroports de Bangkok lors de manifestations contre le gouvernement aligné sur l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra fin 2008, forçant la fermeture de l’aéroport international de Suvarnabhumi pendant plus d’une semaine.
Selon le Bangkok Post, le tribunal « a jugé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour prouver que les accusés avaient commis une insurrection, agressé des fonctionnaires ou les avaient empêchés d’exercer leurs fonctions, ou avaient illégalement détenu un fonctionnaire ou perturbé un système de communication ou des services de transport aérien pendant leur manifestation à l’aéroport. » Les accusés ont également bénéficié de la clémence parce que les manifestants étaient pacifiques et non armés.
Malgré cela, la perturbation des aéroports a entraîné l’annulation de centaines de vols et aurait coûté à l’économie thaïlandaise au moins 3 milliards de bahts (près de 85 millions de dollars) par jour en perte de revenus.
On peut se demander si l’action des « chemises jaunes » constituait ou non du terrorisme ou une rébellion. Mais la confluence de ces deux cas souligne une réalité de longue date : le militantisme pro-establishment jouit d’un degré de tolérance qui n’est pas accordé à ceux qui critiquent le système.