RIP, SSF : déballage de la dernière restructuration de l'APL
Le 19 avril, l'Armée populaire de libération (APL) a officiellement dissous sa Force de soutien stratégique (SSF) et rétabli la Force de soutien à l'information. Alors que certains observateurs ont rejeté cette décision comme étant simplement un changement de nomenclature – le même groupe de personnes sous un nom différent – un examen plus approfondi révèle des implications significatives lorsqu’on le compare aux efforts de restructuration au sein de l’APL et dans le cadre des armées américaine et russe.
La décision de dissoudre les FSE et de créer la Force de soutien à l'information de l'APL signifie un changement nuancé dans la stratégie organisationnelle militaire de la Chine. En s'alignant sur les tendances mondiales et les structures des adversaires potentiels, cette restructuration vise à renforcer les capacités de l'APL à une époque de plus en plus définie par la guerre de l'information et les cyber-opérations. Ainsi, au-delà des modifications superficielles de la nomenclature, cette décision reflète une réponse stratégique à l’évolution des défis de sécurité et des progrès technologiques.
Les « quatre services et quatre bras » sans précédent
Fin 2015, l’APL a subi d’importantes réformes et la SSF est devenue une branche nouvellement créée aux côtés de l’armée, de la marine, de l’armée de l’air et de la Rocket Force, toutes commandées par des officiers de généraux de théâtre. Avec le dévoilement du dernier cadre organisationnel, la structure militaire actualisée de l'APL présente une évolution nuancée : tandis que l'armée, la marine, l'armée de l'air et la Rocket Force conservent leur statut de services à part entière de théâtre, la SSF subit une reconfiguration significative. Il ne s'agit plus d'un service complet, mais ses fonctions seront réparties entre de nouvelles « armes » sous lesquelles la Chine appelle maintenant les « quatre services (军种) et quatre armes (兵种) ».
Anciennement chargée de superviser les affaires spatiales au sein de son département Systèmes aérospatiaux au niveau du théâtre, cette entité de l'ex-SSF s'est aujourd'hui transformée en Force aérospatiale, l'une des « quatre armes ». De même, le département des systèmes cybernétiques, auparavant chargé de la cyberguerre, a pris une nouvelle forme : la Cyberspace Force. Par ailleurs, le Département des systèmes électroniques et électromagnétiques, qui supervisait autrefois le C4ISR (Command, Control, Communications, Computers, Intelligence, Surveillance, and Reconnaissance), est cantonné à l'Information Support Force (ISF).
Ces trois branches fonctionneront parallèlement aux La Force conjointe de soutien logistique (JLSF), créée en 2016. Cette « branche » supervise les opérations logistiques et est commandée par un général adjoint de théâtre. Cette réorganisation voit la SSF passer en trois branches adjointes au niveau du théâtre, formant ainsi les « quatre branches » avec la JLSF, qui est désormais confirmée comme l'une des branches.
Ce changement ouvre potentiellement la porte à des généraux de division adjoints ou à des lieutenants généraux de théâtre pour assumer des postes de commandement au sein de ces unités nouvellement délimitées. De tels ajustements signalent un réalignement stratégique au sein de la hiérarchie organisationnelle de l'APL, reflétant la nature évolutive de la guerre moderne et l'impératif de renforcer les capacités dans des domaines émergents tels que la guerre spatiale, cybernétique et de l'information.
Tâches et responsabilités alambiquées
La principale raison derrière la restructuration semble répondre aux préoccupations découlant du mandat précédent de la SSF, qui englobait un large éventail de responsabilités, susceptible de nuire à l'efficacité opérationnelle.
L'ancien service était chargé non seulement des technologies de l'information et de la communication, mais également de l'aérospatiale, des cyberopérations et de la guerre électronique. En conséquence, la SSF s’est retrouvée dispersée, avec des unités individuelles se disputant les ressources. En outre, l’expertise requise pour commander une force aussi multiforme faisait peut-être défaut chez les personnes nommées individuellement.
Il convient de noter en particulier le caractère décentralisé de ces tâches, qui n’ont pas été consolidées sous le commandement des FSS suite aux réformes militaires. Par exemple, alors que le département des systèmes aérospatiaux de la SSF gérait les systèmes back-end pour les affaires liées à l’espace, certains aspects du développement des équipements étaient également supervisés par le département de développement des équipements et, notamment, par des éléments de la Rocket Force et de l’Air Force. De telles structures organisationnelles qui se chevauchent nuisent inévitablement à l’efficacité opérationnelle.
Les homologues américains comme modèles ?
Une comparaison révélatrice peut être établie avec la création par les États-Unis d’une force spatiale dédiée, qui centralisait toutes les questions liées à la guerre spatiale. Cette disparité a souligné la nécessité d’une approche plus rationalisée au sein de l’APL.
À la lumière de l’accent récemment mis par le président Xi Jinping sur le développement de nouvelles capacités de combat (新质战斗力), une réévaluation pragmatique des structures organisationnelles pourrait être en cours, en s’inspirant éventuellement du cadre militaire américain.
La Force aérospatiale nouvellement créée pourrait refléter le rôle de la Force spatiale américaine, tandis que la Force cyberspatiale pourrait ressembler au Cyber Command américain, permettant ainsi une utilisation plus cohérente et plus efficace des ressources et de l’expertise dans les différentes branches. Ce réalignement stratégique suggère un effort concerté pour améliorer l'efficacité opérationnelle et l'adaptabilité de l'APL face à l'évolution des menaces et des défis.
Caractéristiques russes
La restructuration militaire russe est un autre modèle possible pour l’APL.
Dès 2012, le vice-Premier ministre russe de l’époque, Dmitri Rogozine, avait proposé la création d’un cyber-commandement russe. Par la suite, en 2013, le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgu, a chargé l’état-major général de lancer la création d’un cyber-commandement de style russe, sur le modèle du cyber-commandement américain, relevant directement du ministère de la Défense.
L’année suivante, des rapports ont fait état de l’achèvement de la formation de cyber-unités, des médias tels que TASS faisant état de la création de divisions du système de détection et de prévention des attaques informatiques au sein des forces de fusées stratégiques russes.
Par coïncidence, lors des exercices stratégiques de routine « Caucase-2016 », l’armée russe a participé pour la première fois à une « confrontation électronique, cybernétique et informationnelle en direct ».
Début 2017, le premier vice-président du Comité de défense de la Douma d’État, Andrei Krasov, a nié l’existence d’unités cybernétiques au sein de l’armée russe, mais a reconnu la tendance des grandes puissances à créer de telles unités. Par la suite, en février de la même année, le ministère russe de la Défense a confirmé la création d’unités de cyberinformation chargées principalement de protéger les systèmes de communication de commandement et de contrôle militaires russes contre les cyberattaques et d’entreprendre des efforts de contre-propagande.
D'ici 2023, le ministre russe des Affaires numériques, Maksut Shadayev, a publiquement soutenu l'idée selon laquelle le ministère de la Défense établirait une cyberforce plus complète et a plaidé pour une augmentation du recrutement afin d'intégrer rapidement les talents numériques, d'étendre les capacités en temps réel et de suivre les tendances du cyber-champ de bataille. .
Cette évolution souligne la logique profondément enracinée de la « guerre hybride » dans la pensée stratégique russe, qui s’écarte de la tendance américaine à compartimenter les unités. La doctrine russe considère la cyberguerre comme un simple aspect de la guerre de l’information globale, englobant la guerre électronique, la propagande et les opérations psychologiques. De plus, la position officielle de la Russie sur ses cyberunités reste très secrète, à la fois servant de moyen de dissuasion et signalant des ajustements stratégiques en cours sans conclusions définitives.
En gardant cette histoire à l'esprit, il convient de noter que la récente restructuration de l'APL, passant d'une configuration précédente de cinq services principaux (l'Armée, la Marine, l'Armée de l'Air, la Force de fusée, la Force de soutien stratégique) plus une unité relevant directement de l'armée (Joint Logistics) Centre de soutien) aux actuels « quatre services plus quatre armes », souligne le rôle de la Force de soutien à l'information. En fait, l'annonce de la restructuration a eu lieu lors d'une cérémonie de lancement de l'ISF, qui a été en présence de Xi lui-même.
Cette démarche présente une certaine ressemblance avec les pratiques russes. Cependant, compte tenu de l'abandon des FSS au profit de trois branches distinctes et en termes de conceptualisation future, la trajectoire de l'APL pourrait s'orienter davantage vers l'émulation des pratiques militaires américaines.
Dans son remarques lors de la cérémonie de lancement de l'ISFXi a qualifié la nouvelle branche de « pilier clé dans la coordination de la construction et de l'application du système d'information en réseau », ajoutant : « Elle jouera un rôle crucial dans l'avancement du développement de haute qualité et de la compétitivité de l'armée chinoise dans la guerre moderne. »
Conclusion
Depuis la création des FSS fin 2015, les observateurs extérieurs ont suscité une curiosité considérable à l’égard de cette unité militaire naissante. Cependant, rares sont ceux qui prévoyaient que d’ici une décennie, la force connaîtrait une nouvelle série de restructurations. À l’instar des réformes initiées fin 2015, l’APL doit à nouveau s’engager dans des formations et des exercices approfondis pour solidifier la structure organisationnelle de base de la force reconfigurée.
La question de savoir si l’APL, après sa réorganisation de 2024, pourra s’adapter rapidement au nouveau cadre institutionnel reste sans réponse. Compte tenu d’un important remaniement du personnel aux échelons supérieurs et de la refonte organisationnelle qu’a connue l’APL, le délai nécessaire pour que la force atteigne sa pleine capacité opérationnelle est incertain. En outre, on se demande si la nouvelle configuration organisationnelle pourrait donner lieu à des défis imprévus en matière d'efficacité opérationnelle.
Ces incertitudes soulèvent la question de savoir si cette restructuration pourrait donner à Taiwan plus de temps pour la transformation de sa défense. Ces questions constituent la base de nouvelles tâches de recherche pour les chercheurs qui étudient l'APL, alors qu'ils approfondissent les subtilités de l'évolution actuelle de l'armée et ses implications pour la dynamique de sécurité régionale.