Delhi’s Dilemma: A Growing Economy and Growing Unemployment

Le dilemme de Delhi : une économie en croissance et un chômage croissant

Le verre de l'Inde est à moitié plein – et à moitié vide.

La bonne nouvelle est que l’Inde est la grande économie qui connaît la croissance la plus rapide au monde, et qu’elle est en passe de dépasser l’Allemagne et le Japon au cours des cinq prochaines années en termes de PIB global. Il deviendra le troisième économie mondiale après les Etats-Unis et la Chine. Cependant, on craint que les avantages d’une croissance rapide du PIB ne soient compromis par la faible croissance de l’emploi et par le biais favorable aux riches qui l’accompagne.

Le chômage des jeunes diplômés est sans précédent maximum de 29 pour cent, et le chômage global des jeunes oscille autour de 10 pour cent. Cela a incité certains jeunes indiens se rendre dans des zones de guerre à la recherche d'un emploi et d'opportunités de revenus plus élevés.

La croissance économique rapide des deux dernières décennies a contribué à une baisse sans précédent de la pauvreté. Le taux de pauvreté, qui indique la proportion de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, est passé de 37 pour cent en 2004-05 à 22 pour cent en 2011-12. Cela a permis de sortir 140 millions de personnes de la pauvreté. Des estimations récentes de la Commission indienne du savoir ou NITI Aayog montrent que la pauvreté multidimensionnelle en Inde a diminué, passant de 29,17 pour cent en 2013-2014 à 11,28 pour cent en 2022-23avec environ 250 millions de personnes sortant du dénuement.

Dans le même temps, la part du revenu national allant aux 10 pour cent les plus riches de la population a presque doublé au cours des quatre décennies entre 1982 et 2022, pour atteindre environ 60 pour cent. Les 50 pour cent les plus pauvres de la population disposaient de 15 pour cent du revenu national en 2022. La part des 1 pour cent les plus riches était estimée à 22,6 pour cent. La répartition des richesses est encore plus inégale.

Plusieurs facteurs, notamment le manque d’éducation généralisée de qualité et de compétences polyvalentes, sont responsables de ces disparités.

Une caractéristique sous-jacente à la transformation structurelle unique de l'Inde est également souvent citée comme explication. L’étape d’industrialisation au cours de laquelle un pays connaît une croissance à forte intensité d’emploi tirée par l’industrie manufacturière a été ici contournée au profit d’une croissance tirée par les services. La croissance économique tirée par les services depuis au moins 1991 a eu pour effet secondaire d’accroître les inégalités.

Les données de l’Organisation nationale d’enquête par sondage montrent que 45,5 pour cent de la main-d'œuvre est employé dans l’agriculture, 12,4 pour cent dans la construction et seulement 11,6 pour cent dans l’industrie manufacturière, le reste étant dans les services.

L'incapacité de l'Inde à détourner une plus grande partie de sa main-d'œuvre de l'agriculture vers des emplois plus productifs et mieux rémunérés reste un défi urgent. Même si le secteur des services a contribué à la croissance, sa part dans l'emploi (environ 29 pour cent) représente un peu plus de la moitié de sa part dans le PIB.

Le défaut de la composition sectorielle de la croissance en Inde est donc qu'elle a généré relativement moins de possibilités d'emploi productif pour les pauvres du pays.

Avec une croissance du PIB réel de plus de 7 % au cours des trois derniers exercices, l’Inde est désormais la cinquième économie mondiale. Les projections de croissance restent optimistes. En avril, le Fonds monétaire international (FMI) a relevé la projection de croissance de l'Inde pour l’exercice 2024-25 (FY25) de 30 points de base à 6,8 pour cent en raison d’une forte demande intérieure, de l’augmentation des dépenses d’infrastructure publique et d’une population en âge de travailler croissante. La Banque mondiale prévoit une croissance de 6,6 pour cent.

S’il ne fait aucun doute que la croissance est nécessaire à la lutte contre la pauvreté, elle est loin d’être suffisante.

Il en va de même pour la création d’emplois productifs, qui figure en bonne place sur l’agenda politique depuis au moins le début des années 2000. L'ambition de « cibler dix millions d'opportunités d'emploi par an » en 2002, soit près d'un million d'emplois par mois, a désormais doublé pour atteindre 20 millions d'emplois par an.

Les jeunes ruraux peu disposés à travailler dans leur lieu de naissance recherchent de plus en plus un emploi non agricole ailleurs. Cela inclut les pays étrangers. En mai 2023, l'Inde a signé un accord avec Israël d'envoyer des travailleurs pour 42 000 emplois dans la construction et les soins infirmiers. Le gouvernement a également lancé un programme appelé Agnipath en 2022 pour recruter des soldats, des marins et du personnel de l’armée de l’air. Marquant une rupture avec la politique de recrutement passée, les recrues Agnipath ont un mandat de quatre ans sans gratification ni pension pour les trois quarts de chaque promotion, qui seront licenciés après cette période. L'annonce du projet a suscité des protestations dans différentes régions du pays.

La lente transition de l’agriculture vers les secteurs non agricoles est une sombre caractéristique du marché du travail indien. La part de l'emploi dans le secteur manufacturier, malgré des politiques fermes, stagne, à environ 12 pour cent.

La construction et les services ont absorbé la main-d’œuvre excédentaire, mais dans l’ensemble, la plupart des gens travaillent à leur compte ou occupent des emplois occasionnels. Près de 90 pour cent des emplois sont informels. La part des salaires dans la valeur ajoutée nette des industries a diminué tandis que la part des profits a augmenté, reflétant un processus de production à forte intensité de capital, exactement à l’opposé de ce dont un pays riche en main d’œuvre comme l’Inde a besoin.

L’Inde doit donc stimuler la croissance du secteur manufacturier pour absorber davantage de travailleurs et réaliser l’objectif principal de l’initiative « Make in India ». Cela permettrait également d’éliminer le stigmate d’une croissance « sans emploi », qui caractérise l’histoire par ailleurs flatteuse de la croissance indienne.

Publié initialement sous Creative Commons par 360infos™.

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