Harini Amarasuriya : un académicien accède au poste de Premier ministre du Sri Lanka

Dans un pays qui a marqué l'histoire en élisant la première femme Premier ministre au monde, mais qui se classe aujourd'hui au bas de l'échelle en matière de représentation politique des femmes, la nomination d'Harini Amarasuriya au poste de 16e Premier ministre du Sri Lanka le 24 septembre brise le plafond de verre au Sri Lanka et dans le paysage politique sud-asiatique. paysage.

Amarasuriya rejoint désormais Sirimavo Bandaranaike et Chandrika Bandaranaike en tant que troisième femme à occuper ce poste, et notamment la première issue d'un milieu familial apolitique.

En tant que chercheurs du Centre pour le genre et la politique (CGAP), basé en Inde, nous avons eu le privilège d'interroger Amarasuriya à deux reprises : d'abord lors de sa campagne électorale de 2020 alors qu'elle venait d'entrer en politique, puis en tant que parlementaire en 2021. Cet aperçu de son parcours offre une fenêtre sur le point de vue d'Amarasuriya sur la culture politique au Sri Lanka, sa vision du pays et le potentiel du leadership des femmes dans la politique sud-asiatique. À une époque où les discussions mondiales sur la représentation politique des femmes atteignent leur paroxysme, l'ascension d'Amarasuriya d'universitaire à Premier ministre offre plus que de l'espoir ; il présente un modèle pour les voyages politiques, nous mettant au défi de réinventer le leadership en Asie du Sud et au-delà.

Le chemin d’Amarasuriya vers le pouvoir est aussi peu conventionnel qu’inspirant. Née dans une plantation de thé du sud du Sri Lanka, elle est passée du monde universitaire au militantisme avant d'entrer dans l'arène politique. Dans notre première interview, elle a décrit son entrée en politique comme « comme un chapitre de quasi-accidents », déclenchée par son implication dans une grève du syndicat des enseignants d'université en 2011-2012. Cette formation universitaire a profondément façonné son approche politique, apportant une perspective critique et analytique aux structures de pouvoir bien établies du Sri Lanka. Son potentiel de leadership a été rapidement reconnu lorsque son alliance politique, le Pouvoir populaire national (NPP), a obtenu un siège sur la liste nationale et l'a nommée parmi les autres hommes titulaires de l'alliance NPP – un fort vote de confiance dans ses capacités.

Dès le début, Amarasuriya a été sans équivoque dans sa critique de la culture politique du Sri Lanka. Lors de notre première interview, elle l’a décrit comme « extrêmement toxique, masculin, violent et exclusif ».

Le contexte politique de la montée d’Amarasuriya est crucial. En 2022, à la suite d’une grave crise économique, un mouvement citoyen a évincé le président de l’époque, Gotabaya Rajapaksa. Amarasuriya et l'alliance NPP étaient en première ligne lors de ces manifestations, luttant contre la culture politique et contre un leader fort.

Dans notre deuxième entretien un an plus tard, elle a souligné le défi de faire entendre sa voix : « Nous voulons que nos opinions soient reconnues par le grand public, ce qui est une lutte beaucoup plus difficile, car elle implique des changements idéologiques et une conversation constante. » Cette lutte pour la reconnaissance a pris une nouvelle importance à mesure que les Sri Lankais, déçus par les partis dominants, se sont tournés vers le NPP comme force politique alternative promettant une gouvernance transparente et sans corruption. Bien qu'il n'ait eu que trois députés lors des dernières élections parlementaires, le message du NPP a trouvé un écho auprès d'une population mise à l'écart et prête à un changement complet, ouvrant la voie à l'ascension d'Amarasuriya.

Le parcours d'Amarasuriya pour surmonter les défis et briser la perception normative de la politique a rendu tous les membres de notre équipe extrêmement enthousiastes et inspirés. Elle nous a confié que « le vrai combat a peut-être été de ne pas me limiter à parler ou à commenter uniquement ce qui est considéré comme des questions de femmes ». Elle a décrit ses efforts continus pour éviter d'être cataloguée, notant que dès qu'elle est devenue députée, elle « a été présentée comme une « femme » au Parlement et était censée se concentrer uniquement sur les questions centrées sur les femmes et ne pas s'intéresser à d'autres sujets. .»

Aujourd'hui, en tant que Premier ministre, le rôle d'Amarasuriya exige un engagement dans tous les aspects de la gouvernance. Ce nouveau poste non seulement exige, mais légitime également, son implication dans tous les domaines de l'élaboration des politiques, transformant ce qui était autrefois son plus grand défi en sa plus puissante plateforme de changement.

Le parcours d'Amarasuriya illustre le potentiel de transformation d'un leadership diversifié en politique. Sa formation universitaire pourrait apporter une analyse approfondie à l’élaboration des politiques, tandis que ses racines militantes la maintiennent en contact avec les préoccupations de la base. Alors qu’elle assume le rôle de Premier ministre, l’accent se tourne vers sa capacité à diriger une nation à travers des défis économiques et politiques complexes.

Alors qu’Amarasuriya assume le leadership, elle est confrontée à la formidable tâche de traduire sa vision en résultats politiques tangibles. L’impact potentiel de son mandat de Premier ministre s’étend au-delà du Sri Lanka, offrant potentiellement un nouveau modèle de leadership pour l’ensemble de la région de l’Asie du Sud. Son parcours de la salle de classe au cabinet est plus qu’un triomphe personnel ; il s'agit d'un mandat de transformation qui pourrait remodeler le paysage politique du Sri Lanka et inspirer une nouvelle génération de dirigeants à travers l'Asie du Sud. Le message d'Amarasuriya à la jeunesse du Sri Lanka, partagé dans nos entretiens, devient encore plus puissant à la lumière de son nouveau rôle. Elle a exhorté les jeunes à se lancer en politique et à changer la culture plutôt que de s’y intégrer.

Son approche d’une gouvernance inclusive, transparente et analytiquement rigoureuse pourrait établir une nouvelle norme en matière de leadership politique dans la région si elle pouvait la traduire dans la pratique. Pour les jeunes aspirantes dirigeantes d’Asie du Sud, l’ascension d’Amarasuriya offre non seulement une inspiration, mais aussi une feuille de route pour remettre en question les structures de pouvoir enracinées et apporter de nouvelles perspectives à la gouvernance. Le monde la regardera s’efforcer de concrétiser sa vision d’un système politique plus équitable et plus efficace.

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