Pegase 2023: The French Air Force Flies Across the Indo-Pacific

Pegase 2023 : l’armée de l’air française survole l’Indo-Pacifique

« Jamais deux sans trois», ou « tout vient par trois », comme dit le proverbe. Après les éditions 2018 et 2022, le déploiement de l’armée de l’air française « Pegase 23 », du nom d’un cheval volant mythologique grec, est de retour dans l’Indo-Pacifique. Au milieu des récentes initiatives régionales du président Emmanuel Macron, cette opération militaire était la plus vaste et la plus ambitieuse jamais entreprise par l’armée française dans l’Indo-Pacifique. Elle confirme la volonté de la France d’apparaître comme une puissance régionale légitime.

Du 25 juin au 3 août, l’Armée de l’Air et de l’Espace déploie 19 avions, 320 aviateurs et 55 tonnes de fret à travers l’Indo-Pacifique. Au départ de la France, la mission comprenait 11 escales et 14 manœuvres opérationnelles avec plusieurs forces aériennes partenaires : Emirats Arabes Unis, Singapour, Malaisie, Indonésie, Qatar, Djibouti, Corée du Sud et Japon.

La mission a été divisée en trois grandes phases.

Du 25 au 28 juin, 19 avions (10 avions de chasse Rafale, cinq avions de ravitaillement et de transport militaire A330 MRTT, et quatre avions de transport militaire A400M), se sont envolés de la France vers l’Asie du Sud-Est – soit une distance de 11 000 kilomètres – avec une escale technique au Base française aux Emirats Arabes Unis.

Du 2 au 21 juillet, les forces françaises ont participé à de multiples exercices militaires dont Northern Edge et Talisman Saber, depuis l’île de Guam, un territoire américain. Le 10 juillet, en coopération avec les garde-côtes américains, un avion français A400M a participé à une véritable mission de recherche et de sauvetage autour des îles Mariannes.

Plusieurs avions ont également été envoyés dans les territoires français de la région, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française, lors de la visite de Macron.

Enfin, du 24 juillet au 3 août, lors du retour en France, de multiples escales ont été effectuées en Corée du Sud, au Japon, en Indonésie, au Qatar et à Djibouti, avec des exercices militaires conjoints organisés avec les forces locales.

Cette carte fournie par le ministère français de la Défense montre l’itinéraire emprunté par la mission Pegase 23.

Pegase 23 s’inscrit dans un contexte stratégique plus large. Depuis 2018, Macron a formalisé une stratégie pour l’Indo-Pacifique français afin de légitimer et valoriser les atouts français dans la région.

L’exercice de la souveraineté nationale dans les collectivités françaises de la région (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, La Réunion et Mayotte) confère une profondeur stratégique multidimensionnelle. La France possède une zone économique exclusive (ZEE) de 10 millions de kilomètres carrés dans l’Indo-Pacifique, ce qui donne à la France la deuxième plus grande ZEE totale au monde, après les États-Unis. Dans la région se trouvent également 14 millions de kilomètres carrés d’espace aérien sous la responsabilité des autorités françaises et un réseau de stations satellites indispensables à sa politique spatiale. Mais ces atouts obligent aussi les autorités françaises à prendre des mesures pour assurer la défense de ces territoires et faire respecter la souveraineté nationale.

Ainsi, les missions de diplomatie aérienne comme Pégase crédibilisent et renforcent les objectifs stratégiques mis en œuvre par les autorités politiques françaises. L’Armée de l’Air et de l’Espace a démontré sa capacité à engager des chasseurs Rafale à près de 20 000 kilomètres de leur base d’attache en 48 heures, menant des opérations aériennes d’envergure capables d’atteindre n’importe quel point de la zone Indo-Pacifique en un minimum de temps.

Depuis plus d’une décennie, les projections aériennes militaires françaises ont connu une évolution considérable grâce à l’engagement combiné d’avions Rafale/MRTT/A400M, permettant le ravitaillement en vol et la projection à longue distance dans des délais courts.

Au milieu d’autres déploiements comme les missions Shikra, Skyros ou Heifara, la mission Pegase vise à démontrer la capacité de projection réactive permanente des forces et à garantir la liberté d’action de la France.

Les autres armées françaises mènent également des missions similaires de diplomatie militaire, notamment la Marine nationale. Le porte-avions Charles de Gaulle effectue fréquemment des déploiements dans l’océan Indien ; au cours des 10 dernières années, il a été escorté par 42 navires de 12 marines nationales différentes.

Ces missions régulières renforcent une présence militaire permanente composée de cinq bases militaires en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à La Réunion, à Djibouti et à Abu Dhabi, où 7 000 militaires français sont postés toute l’année.

Depuis le partenariat AUKUS et l’annulation de l’accord sous-marin Australie-France, la diplomatie française s’est réorientée vers le renforcement des liens avec les principaux partenaires de la région.

Notamment, la visite du Premier ministre Narendra Modi en France lors de la fête nationale du 14 juillet a reflété le partenariat stratégique à long terme entre la France et l’Inde, qui a été renforcé par le nouveau récit indo-pacifique adopté par les deux gouvernements.

Singapour est également un partenaire incontournable des armées françaises, fort d’un partenariat stratégique depuis 2012 et d’un accord de soutien logistique mutuel signé en 2022. Depuis, la cité-État est une porte d’entrée pour tous les déploiements opérationnels des forces françaises en la région. En effet, Singapour s’impose comme une escale logistique et de soutien air-mer efficace. De plus, Singapour est l’une des capitales les plus influentes d’Asie du Sud-Est, avec des groupes de réflexion de renommée mondiale. Soulignant ce point, un séminaire a été organisé par la S. Rajaratnam School of International Studies de la Nanyang Technological University lorsque la mission Pegase a fait escale à Singapour.

Enfin, l’Indonésie a confirmé en 2022 qu’elle achèterait 42 avions Rafale et 12 Mirage 2000 à la France. Outre les exportations d’armements, un partenariat stratégique de défense a été signé en 2021 et des réunions ministérielles régulières au format 2+2 ont été organisées.

Tout en développant des partenariats régionaux et en renforçant les capacités militaires, les armées françaises soutiennent également l’exportation de matériels militaires français. En 2022, la France était le deuxième exportateur mondial d’armes. Ce n’est donc pas un hasard si la plupart des escales de Pegase se sont faites dans des pays qui achètent ou envisagent d’acheter du matériel français (Qatar, Emirats Arabes Unis, Singapour, Indonésie, Malaisie).

Au milieu de la rivalité croissante entre la Chine et les États-Unis dans la région indo-pacifique, la France, puissance nucléaire européenne, membre du Conseil de sécurité de l’ONU et dernier État de l’UE ayant un territoire dans la région, tente d’apparaître comme une alternative, équilibrant l’Indo-Pacifique pouvoir. Les récentes déclarations de Macron sur la question taïwanaise confirment cette position : « Le pire serait de penser que nous, Européens, devons devenir suiveurs sur ce sujet (Taïwan) et nous inspirer de l’agenda américain et d’une surréaction chinoise.

Dans la quête d’autonomie stratégique, la mission Pegase a démontré une capacité d’intervention et de projection à longue portée de l’armée de l’air française. Néanmoins, aux niveaux opérationnel et tactique, la mission a également mis en évidence une dépendance accrue vis-à-vis de partenaires clés dans la région, en particulier les États-Unis. Le déploiement de Pegase a passé plus de la moitié de la mission sur le sol américain. Dans le même temps, aucune manœuvre conjointe avec l’armée de l’air chinoise n’a été effectuée.

En clair, l’équilibrage français n’est pas l’équidistance.

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