L’Arabie Saoudite rend hommage au flic pakistanais qui a tenu tête aux radicaux islamistes
La commissaire adjointe de la police Sheher Bano Naqvi à Lahore, au Pakistan, a reçu de nombreux éloges pour son acte courageux consistant à sauver la vie d'une femme accusée de blasphème la semaine dernière. Elle a été saluée au Pakistan et à l'étranger pour avoir mis sa vie en danger pour sauver une femme d'une foule en colère qui s'en est prise à elle, interprétant à tort la calligraphie arabe sur ses vêtements comme des versets du Coran et l'accusant de blasphème.
Le blasphème est un sujet extrêmement sensible et dangereux au Pakistan. Les accusations de blasphème ont souvent conduit à des agressions violentes et à des massacres au Pakistan. Des centaines de Pakistanais ont atterri derrière les barreaux pour blasphème et des dizaines, dont l'ancien gouverneur du Pendjab Salman Taseer, ont été tués.
L'acte de bravoure de Naqvi en défendant une femme contre la colère d'une foule a fait naître l'espoir que la question du blasphème pourra être résolue efficacement si l'État et les autorités policières affrontent fermement les extrémistes et leurs partisans.
La reconnaissance et le soutien des institutions et des hommes politiques du pays pour les actions du policier sont sans précédent et significatifs. À la suite de l'incident, Naqvi a rencontré le chef de l'armée pakistanaise, le lieutenant-général Syed Asim Munir, qui l'a félicitée pour son dévouement désintéressé au devoir et son professionnalisme. Cette réunion a été considérée non seulement comme rassurant les forces de l'ordre et leurs officiers sur le soutien de l'armée, mais aussi comme un message clair aux radicaux selon lequel leurs actions ne seront pas tolérées.
Après la rencontre du chef de l'armée avec l'officier de police, l'ambassadeur d'Arabie saoudite au Pakistan, Nawaf bin Saeed Al Maliki, a rencontré Naqvi à l'ambassade saoudienne à Islamabad. En reconnaissance de son courage, il l'invita à visiter le Royaume en tant qu'invitée royale. La rencontre inattendue entre l'officier et l'ambassadeur d'Arabie Saoudite a démontré l'intérêt croissant du Royaume pour le Pakistan.
L'attention positive suscitée par l'action de Naqvi souligne un nouveau rejet de la part des autorités pakistanaises et saoudiennes des actes de violence perpétrés par des islamistes radicaux au nom de l'Islam.
Il est pertinent de mentionner que, sous la direction du prince héritier Mohammed Bin Salman, l’Arabie saoudite a contesté l’establishment religieux wahhabite du royaume ces dernières années, affirmant que son conservatisme extrême est problématique et découle souvent d’interprétations erronées des textes islamiques.
Dans le passé, des éléments de droite au Pakistan ont gagné en importance et en pouvoir grâce au parrainage par l'Arabie saoudite de la secte wahhabite et des dirigeants islamistes radicaux, au point qu'ils se sont opposés à toute réforme qu'ils estimaient incompatible avec leurs objectifs idéologiques. Ces groupes ont fonctionné comme propagandistes du blasphème au fil des années, utilisant la violence et le vigilantisme pour traiter ceux qu'ils accusent de blasphème.
Cela n'est peut-être plus réalisable car les intérêts de l'Arabie saoudite, tant au sein du pays que dans des pays comme le Pakistan, sont de plus en plus orientés vers la promotion de concepts considérés comme libéraux et progressistes.
Par exemple, les radicaux islamistes pakistanais constituent un défi important à la potentielle normalisation des liens entre l'Arabie saoudite et Israël et à l'effet d'entraînement attendu sur le Pakistan. Les radicaux pakistanais pourraient entraver l'alignement de la puissante armée du pays ou d'autres parties intéressées sur la politique saoudienne. Cette résistance interne pourrait compliquer le processus décisionnel du Pakistan concernant sa position sur la question palestinienne et l'éventuelle normalisation des liens avec Israël.
Il semble que le Royaume ait l’intention de remodeler la trajectoire des relations pakistano-saoudiennes, signalant ainsi une rupture avec les islamistes de droite accommodants. La récente rencontre entre l’envoyé saoudien et l’officier de police pakistanais a transmis un message fort aux islamistes pakistanais : l’Arabie saoudite s’oriente vers une position plus progressiste.
Cette décision donne non seulement le ton aux relations pakistano-saoudiennes, mais indique également clairement aux islamistes saoudiens que le Royaume reste attaché aux initiatives de réforme lancées par le prince héritier Salmane. Ce changement pourrait avoir des implications pour les forces de droite au Pakistan, qui recherchent traditionnellement des conseils moraux et un soutien de la part de l’Arabie Saoudite.
Le geste de l'Arabie saoudite consistant à applaudir le policier pakistanais pour avoir tenu tête aux islamistes radicaux va renforcer les attentes des Pakistanais qui se tournent vers l'Arabie saoudite pour maîtriser les islamistes au Pakistan.