Amendement constitutionnel : gérer la boîte de Pandore pour le Népal
Le débat sur la modification de la constitution a refait surface sur la scène politique népalaise depuis la formation du nouveau gouvernement en juillet. Le débat sur l'amendement constitutionnel a touché le discours public, mais c'est la première fois qu'une nouvelle coalition est formée pour amender la constitution. La nouvelle alliance politique entre le Congrès népalais (NC) et le Parti communiste du Népal-Marxiste-Léniniste Unifié (CPN-UML) vise à amender la constitution du pays, vieille de neuf ans.
Les discussions autour de l'amendement constitutionnel tournent principalement autour du système électoral, de l'élection directe du chef de l'exécutif et d'autres questions liées au fédéralisme et à la laïcité. Pour le Népal, un amendement à la constitution existante signifierait ouvrir la boîte de Pandore, suscitant une multitude de problèmes et de nouvelles formes de luttes de pouvoir pour une nation constamment aux prises avec l'instabilité politique.
L'histoire constitutionnelle du Népal
Au cours de ses près de 70 ans d’histoire constitutionnelle, le Népal a connu sept constitutions différentes. Toutes ces constitutions rendent compte d’évolutions politiques différentes, qu’elles soient démocratiques ou autocratiques.
La constitution de 2015 – la première à être promulguée par les représentants élus du peuple après une insurrection maoïste qui a duré dix ans, et également considérée comme la charte nationale la plus progressiste, inclusive et démocratique du Népal – a finalement défini la voie à suivre pour mettre fin à la transition politique du Népal. Cependant, le cheminement vers la stabilité politique après la transition ne s’est pas déroulé sans heurts, principalement parce que la constitution était un document de compromis entre diverses forces politiques.
Dès le début, les partis basés à Madhes n’étaient pas satisfaits de la constitution actuelle. Le Congrès népalais, le CPN-UML, et le CPN-Centre maoïste de l'époque avaient forgé une alliance contre la monarchie à laquelle se sont ensuite jointes les forces politiques basées à Madhes. Mais chaque parti avait son propre programme, ses propres intérêts et ses propres enjeux dans le processus. Cela a entraîné divers problèmes de mise en œuvre, ainsi que des violations des clauses constitutionnelles de la part de ses signataires mêmes.
Les dirigeants politiques à la tête du gouvernement ont continué à s’accrocher au pouvoir plutôt qu’à adopter les lois nécessaires à la mise en œuvre de la constitution. Aujourd’hui, près de 10 ans après l’adoption de la constitution actuelle, les partis politiques n’ont pas prêté attention à l’examen critique des fondements politiques de la constitution, des attentes du peuple, de ses aspects positifs et des défis liés à sa mise en œuvre.
Pourquoi modifier la Constitution ?
L’alliance actuelle au pouvoir – le Congrès népalais et le CPN-UML – affirme qu’un amendement constitutionnel est nécessaire à la stabilité politique, qui, à terme, conduira le pays sur la voie du développement et de la prospérité. Les dirigeants politiques souhaitent notamment modifier le système électoral actuel de représentation proportionnelle (RP), qui, selon eux, est la principale cause de l'instabilité politique. Des discussions ont également eu lieu sur d'éventuelles négociations sur des questions liées au fédéralisme et à la laïcité. Mais les responsables politiques n’ont pas clairement révélé quels articles de la constitution seraient amendés ni quelle serait la procédure à suivre.
Dans ce contexte, les partis d’opposition ont déjà commencé à exprimer leur scepticisme à l’égard de la proposition avant qu’elle puisse effectivement entrer en vigueur. Les partis d’opposition affirment que le projet d’amendement constitutionnel proposé par le CPN-UML et le Congrès népalais n’est qu’une tactique visant à renverser le gouvernement précédent.
L’opinion publique, en revanche, est sceptique quant à la possibilité qu’un amendement à la Constitution actuelle conduise réellement à un avenir politique stable.
Compte tenu de cela, il est crucial de se demander pourquoi le Népal a expérimenté les constitutions les unes après les autres. Pourquoi les partis politiques népalais s'empressent-ils de se pencher sur l'amendement de la constitution existante sans disséquer complètement ses lacunes dans sa mise en œuvre ?
Il est également impératif de discuter de ce que l’amendement proposé signifierait pour les différents partis politiques au Népal et de savoir s’il conduirait réellement à la « stabilité politique » dont se portent garants ses partisans.
La proposition actuelle d'amendement constitutionnel pourrait être un prétexte pour une union politique entre deux grands partis ayant tout intérêt à se relayer à la tête du pays. En effet, plus de deux mois après la formation de leur nouvelle alliance, le CPN-UML et le Congrès népalais ne semblent pas avoir de feuille de route claire sur la manière de faire avancer le processus d'amendement constitutionnel.
Divers intérêts politiques
Le processus d’amendement serait plus facile à dire qu’à faire. Rappelons qu'il a fallu près d'une décennie pour finaliser la constitution actuelle, qui a remplacé la constitution intérimaire de 2007.
Les discussions sur l’amendement mettront au premier plan de multiples questions, différences et défis. Les partis politiques népalais existants ont des enjeux et des programmes différents, qui seront très probablement mis en avant si la discussion sur l'amendement de la constitution se poursuit. Il existe des mécontentements et des désaccords sur un certain nombre de dispositions constitutionnelles, notamment sur la question de la représentation des peuples autochtones, des Dalits, des femmes, des personnes handicapées et d'autres communautés marginalisées, ainsi que des désaccords sur la démarcation des frontières provinciales. Et cela sans remettre en question l’efficacité du système électoral actuel.
L’amendement constitutionnel a des significations différentes selon les groupes politiques. Pour le Congrès népalais et le CPN-UML, la discussion autour d'un amendement constitutionnel se concentrerait sur la réforme du système électoral actuel ainsi que sur l'élection d'un Premier ministre exécutif directement élu. Ils estiment que le système actuel de représentation proportionnelle est l'une des principales causes de l'instabilité chronique des gouvernements du Népal.
Pour d'autres partis, comme le parti Rastriya Swatantra, l'amendement de la nouvelle constitution viserait à garantir leur présence politique lors des prochaines élections générales, tandis que pour les maoïstes, le principal point à l'ordre du jour serait de renforcer l'identité et l'inclusion ainsi qu'un exécutif directement élu. président. Certains d’entre eux souhaiteraient également revoir toute la gamme du fédéralisme. Le parti pro-monarchie, en revanche, serait plus sévère en appelant à la réintégration du Népal en tant qu’État hindou.
Les partis politiques basés à Madhes sont déjà mécontents des dispositions constitutionnelles existantes et proposeront certainement un programme axé sur une plus grande représentation du peuple madhesi dans la politique nationale.
Diriger le débat sur l’amendement de la constitution actuelle du Népal serait donc une tâche herculéenne qui pourrait pousser davantage le pays vers une incertitude et une instabilité politique prolongées si elle n’est pas bien gérée.
Développer la culture constitutionnelle du Népal
Aussi progressiste ou inclusive qu’une constitution soit, elle ne peut pas fonctionner correctement sans des acteurs politiques sincères et honnêtes pour la mettre en œuvre. Au milieu des discussions sur la révision de la constitution, les partis politiques au Népal continuent de fonctionner pour des avantages politiques personnalisés. Il est question de former un gouvernement de consensus national pour amender la constitution. Néanmoins, la possibilité et l’impact d’une telle entreprise restent discutables car les parties impliquées portent un bagage politique différent.
La culture profondément enracinée de coalition et d'accords est précaire pour la stabilité politique du Népal. Les partis politiques manquent de culture et de vision constitutionnelles, car les gouvernements s’inquiètent constamment de la longévité de leurs propres régimes et finissent par conclure des accords contre nature.
Tout amendement constitutionnel nécessite un travail approfondi et, surtout, une plus grande acceptation de la part des citoyens. La révision de la constitution ne peut se matérialiser que par le biais d'un mécanisme consultatif dans lequel les citoyens participent au processus et aux dialogues. Si nous n’adhérons pas à cette culture constitutionnelle de base, il pourrait y avoir une réelle possibilité que l’ensemble du processus devienne conflictuel et potentiellement dommageable.