L’organisme américain de surveillance de la liberté religieuse recommande l’inscription du Kirghizistan sur une liste de surveillance spéciale
Le 1er mai, la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale (USCIRF) a publié son rapport annuel et ses recommandations, mettant en lumière les violations de la liberté religieuse dans le monde. Pour la première fois, les cinq États d’Asie centrale sont cités dans le rapport pour violation des libertés religieuses, soulignant la persistance du problème dans la région.
L'USCIRF est un organisme fédéral bipartite indépendant qui surveille le statut de la liberté de religion à l'étranger afin de formuler des recommandations politiques au président, au secrétaire d'État et au Congrès. Chaque année, l'USCIRF publie un rapport annuel faisant ces recommandations. Plus tard dans l'année, le Département d'État américain décide quels pays doivent être inscrits sur la liste des pays particulièrement préoccupants (CPC) au titre du Loi sur la liberté religieuse internationale de 1998 (IRFA)qui prévoit des sanctions punitives – à moins, bien entendu, ces sanctions sont levées. Le rapport recommande également aux pays de figurer sur une liste de surveillance spéciale (SWL), qui n'entraîne aucune sanction immédiate, mais témoigne d'une préoccupation.
Dans le rapport 2024, le Kirghizistan fait sa toute première apparition, l'USCIRF recommandant d'ajouter Bichkek à la liste de surveillance spéciale aux côtés de ses voisins d'Asie centrale, le Kazakhstan et l'Ouzbékistan. Le reste de la liste de surveillance spéciale recommandée comprend l’Algérie, l’Égypte, l’Indonésie, l’Irak, la Malaisie, le Sri Lanka, la Syrie et la Turquie.
L'USCIRF recommande une fois de plus que le Tadjikistan et le Turkménistan continuent d'être désignés comme CPC aux côtés de la Chine, de Cuba, de l'Érythrée, de l'Iran, du Nicaragua, de la Corée du Nord, du Myanmar, du Pakistan, de la Russie et de l'Arabie saoudite. Le rapport recommande en outre la désignation de CPC pour l'Afghanistan, l'Azerbaïdjan, l'Inde, le Nigeria et le Vietnam.
Lorsque le Département d’État américain a désigné pour la dernière fois la liberté religieuse, le 29 décembre 2023, le Tadjikistan et le Turkménistan ont été étiquetés comme CPC, comme le recommande le rapport de 2023 – bien que tous deux ont de nouveau obtenu des dérogations aux sanctions punitives – mais le Kazakhstan et l'Ouzbékistan n'ont pas été inclus dans la liste de surveillance spéciale malgré Recommandations de l'USCIRF qu'ils soient ajoutés.
Il faudra probablement plusieurs mois avant que le Département d’État ne fasse ses désignations. Au cours de la majeure partie de la dernière décennie, les désignations ont eu tendance à être annoncées en novembre ou décembre.
Pourquoi l’USCIRF recommande-t-elle une attention particulière au Kirghizistan ?
Comme indiqué ci-dessus, l’USCIRF a pour la première fois recommandé le Kirghizistan pour l’inscription sur la liste de surveillance spéciale. Le rapport note que cela « repose sur une répression religieuse accrue de la part du gouvernement du Kirghizistan en 2023 ». L’USCIRF écrit qu’en 2023, les autorités kirghizes « ont de plus en plus appliqué une législation restrictive de longue date régissant la religion ».
Le rapport de l'USCIRF accuse le Kirghizistan de cibler les musulmans « qui pratiquent une forme d'islam qui s'écarte de l'interprétation privilégiée par l'État » ainsi que les non-musulmans, notamment les catholiques, les protestants, les témoins de Jéhovah et Hare Krishna.
Un cas illustratif est celui du chrétien protestant Aytbek Tynaliyev, condamné en juillet 2023 à six mois de prison pour « incitation à l’inimitié religieuse » en ligne. Comme Forum 18 signalé, Tynaliyev a été accusé d'avoir insulté l'Islam avec ses critiques de la politique religieuse de l'État, mais le procureur « a refusé de dire exactement comment Tynaliyev avait insulté l'Islam ». Après sa libération en septembre, Tynaliyev aurait reçu la visite du même enquêteur de police qui avait mené la perquisition à son domicile en mai 2023 et lui aurait dit de « faire attention et de ne pas publier de documents ou de déclarations religieuses sur les réseaux sociaux ».
Il est important de noter que le rapport de l’USCIRF déclare : « Des sources ont continué à signaler que les membres de certains groupes religieux étaient réticents à signaler les crimes de haine fondés sur la religion par crainte de représailles du gouvernement ou de l’absence de réponse. » Cette peur peut masquer la réalité du problème.
Parmi les autres problèmes cités par l'USCIRF concernant les libertés religieuses au Kirghizistan, citons un député proposant une interdiction du port du masque et des longues barbes au Kirghizistan. Novembreet le président du Comité d'État pour la sécurité nationale, Kamchybek Tashiev, commentant ceux dont les pratiques religieuses « diffèrent de la religion islamique traditionnelle pratiquée par nos ancêtres », notant qu'ils « portent des vêtements différents » et « commettent des actes de fanatisme religieux ».
En outre, l’USCIRF a noté que la Commission d’État kirghize pour les affaires religieuses (SCRA) a présenté un nouveau projet de loi sur la religion qui « restreindrait et sécuriserait davantage les pratiques religieuses pacifiques ». UN nombre de rapporteurs spéciaux de l'ONU en décembre 2023, il a écrit au président kirghize Sadyr Japarov pour exprimer sa préoccupation quant au fait que certaines dispositions du projet de loi « pourraient ne pas respecter les obligations du Kirghizistan en vertu du droit international des droits de l'homme ».
Compte tenu de l’historique des recommandations de désignation, en ce qui concerne les États d’Asie centrale, il semble peu probable à ce stade que le Kirghizistan soit inscrit sur la liste lorsque le Département d’État américain procédera à ses désignations. Il convient de noter que le Kazakhstan et l’Ouzbékistan ont été recommandés pour la liste de surveillance spéciale l’année dernière et n’y ont pas été répertoriés. Cela dit, le rapport de l’USCIRF met en lumière une tendance plus large – observée au Kirghizistan et ailleurs – dans laquelle les autorités dont le pouvoir est de nature populiste reviennent à un passé (essentiellement) imaginé, en promouvant une vision spécifique de la « tradition » et « culture » de manière à circonscrire le comportement contemporain des gens. En fin de compte, il ne s’agit pas de piété ; c'est une question de pouvoir.