L’énigme du pipeline de paix entre l’Iran et le Pakistan
Le 24 avril, le président iranien Ebrahim Raisi et son équipe de ministres ont conclu une visite de trois jours au Pakistan. Cette visite fait suite à celle de janvier attaques de missiles du tac au tactendant brièvement les relations entre les deux États.
La visite de Raïssi a été annoncée peu après les attaques réciproques de l’Iran et d’Israël. Les observateurs du conflit ont donc considéré cette visite comme une démarche diplomatique de l'Iran visant à recueillir du soutien. Pour les analystes pakistanais, la visite était prévu bien avant et avait un objectif différent : discuter de la question juridique associée au projet de gazoduc Iran-Pakistan, également connu sous le nom de Peace Pipeline, très retardé. Bien que les chefs des deux États n'aient pas explicitement mentionné le pipeline, le ministre du Pétrole d'Iran Javad Owji a souligné l'intérêt d'Islamabad pour le opérationnalisation rapide des exportations de gaz iranien vers le Pakistan. Il a également rencontré son homologue Musadik MaSood Malik, ministre d'État pakistanais chargé du Pétrole. Faisant fi du mécontentement des États-Unis, Le ministère des Affaires étrangères du Pakistan a réitéré son engagement en faveur de l'achèvement du pipeline de paix.
En juin 2009, l'Iran et le Pakistan ont signé un accord sur un projet de gazoduc d'une longueur de 2 775 kilomètres. L'Iran a achevé sa partie du projet, qui s'étend sur environ 1 172 km du champ gazier de South Pars jusqu'à Gabd, une ville proche de la frontière irano-pakistanaise. En revanche, le Pakistan a fait pas de progrès significatif sur son tronçon de 781 km, qu'il prévoit d'étendre de Gabd à travers le Baloutchistan jusqu'au Sind. L’absence de progrès est principalement due aux sanctions américaines contre l’Iran. L'introduction en 2017 de la loi plus stricte sur la lutte contre les adversaires américains par le biais de sanctions (CAATSA), plus stricte, a encore entravé les perspectives commerciales d'Islamabad avec l'Iran. Avec l'implication directe de l'Iran dans le conflit Israël-Hamas, l'acquisition de gaz naturel moins cher à Téhéran est devenue une tâche difficile pour Islamabad, même pour le Pakistan ses propres réserves de gaz naturel sont épuisant.
Les sanctions américaines ont considérablement restreint la capacité de l'Iran à exploiter ses importantes ressources en pétrole brut et en gaz naturel sur le marché international. Pour contrer ces limitations, l'Iran a développé des réseaux de contrebande qui impliquent des sociétés écrans et des États intermédiaires, aidant à vendre clandestinement son pétrole brut. Ce commerce illégal implique souvent de dissimuler l’origine du pétrole pour échapper aux sanctions internationales, lui permettant ainsi d’atteindre des marchés comme la Chine et le Pakistan.
La situation du commerce international du gaz naturel est pire pour Téhéran. Malgré la tenue du les deuxièmes plus grandes réserves prouvées de gaz naturel au monde, estimée à environ 1 203 billions de pieds cubes, la part de l'Iran dans les exportations mondiales n'est que de 1 pour cent. Le manque d’installations pour exporter du gaz naturel liquéfié (GNL) a bloqué la croissance potentielle. Des projets ambitieux, comme celui de Tombak, étaient sur le point d’être achevés avant d’être contrecarrés par les sanctions internationales. L’Iran dépend donc uniquement de gazoducs physiques pour ses exportations de gaz naturel, ce qui limite ses marché vers les pays voisins: La Turquie, l’Irak, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la Turquie et l’Irak représentant ensemble plus de 95 pour cent des exportations iraniennes de gaz naturel.
L’achèvement du Peace Pipeline est donc essentiel pour développer le marché iranien du gaz naturel. L'Iran a déjà investi de manière significative dans ce projet et exerce donc des pressions sur le Pakistan pour éviter de nouveaux retards. Pour l’Iran, sécuriser ce pipeline n’est pas simplement un impératif économique mais aussi une nécessité stratégique pour diversifier ses exportations énergétiques et atténuer la pression économique imposée par les contraintes géopolitiques.
Toutefois, les États-Unis ont toujours averti Islamabad s'oppose à tout engagement avec l'Iran, ce qui constitue un obstacle important à l'achèvement du projet de pipeline en raison des craintes de sanctions américaines. Outre les sanctions, la construction du Peace Pipeline pourrait compromettre les perspectives du Pakistan de bénéficier d'un plan de sauvetage à long terme de la part du Fonds monétaire international (FMI). Pour les pays bénéficiant des programmes du FMI, le respect des sanctions internationales, y compris celles imposées par les Nations Unies ou par des États membres influents comme les États-Unis, est crucial. Ce respect peut affecter indirectement les termes et conditions du soutien financier du FMI.
Le Pakistan n'a pas encore officiellement demandé une dérogation aux États-Unis pour poursuivre le projet, ce qui indique une incertitude et une hésitation persistantes quant aux répercussions potentielles de la poursuite du projet. Islamabad sait probablement qu’il serait impossible d’obtenir une dérogation dans les circonstances géopolitiques actuelles.
Pour l'Inde, le dilemme du Pakistan est un moment d'apprentissage par l'observation. L’Inde a également une demande croissante en énergie et a intérêt à s’assurer de diverses sources d’énergie. New Delhi doit donc surveiller la manière dont le Pakistan gère les sanctions américaines autour du Peace Pipeline, car cela pourrait créer un précédent affectant les futurs engagements de l'Inde avec l'Iran, en particulier dans les domaines de l'énergie et des infrastructures. Si le projet progresse sans opposition significative des États-Unis, il pourrait accroître les opportunités de l'Inde en matière d'engagement économique et de développement des infrastructures avec l'Iran, minimisant ainsi la crainte de répercussions de la part de ses alliés stratégiques.
L'achèvement des 80 premiers kilomètres du projet de gazoduc au Pakistan aura des implications géopolitiques et économiques importantes pour Islamabad. Si cela se concrétise, cela pourrait atténuer les perspectives de crise énergétique au Pakistan et réduire le risque de sanctions financières potentielles. Pour l’Iran, cela représente une voie vitale pour accroître ses exportations de gaz naturel. Cependant, les sanctions américaines et la menace de compromettre le soutien du FMI menacent de compliquer l'avenir du projet. Pour l’Inde, les résultats de ce projet pourraient servir de modèle pour gérer ses engagements énergétiques avec l’Iran, conduisant potentiellement à une coopération renforcée et au développement des infrastructures.