Le gouvernement intérimaire peut-il garantir la justice et apporter des changements radicaux au Bangladesh ?
Le règne de Sheikh Hasina, marqué par une gouvernance autoritaire et qui dure depuis plus de 15 ans, a pris fin de façon dramatique le 5 août 2024, à la suite d'une crise massive. révolution menée par les étudiants. Ce soulèvement a contraint Hasina à démissionner et à fuir le pays, conduisant à la mise en place d'un gouvernement intérimaire sous la direction du lauréat du prix Nobel Mohammad Yunus.
Pour beaucoup, il s’agissait d’un moment d’espoir – un tournant potentiel pour le Bangladesh, offrant une chance de justice et de réformes radicales. Cependant, malgré l’optimisme suscité par la chute d’un régime autoritaire de longue date, ce gouvernement intérimaire sera confronté à d’importants défis pour garantir la justice et mettre en œuvre des changements transformateurs. Plusieurs facteurs clés indiquent que la trajectoire actuelle pourrait ne pas conduire à la refonte fondamentale dont le Bangladesh a besoin.
L’héritage des régimes défaillants
L’une des principales raisons du scepticisme réside dans le contexte historique de la gouvernance au Bangladesh. Au fil des décennies, le pays a connu une une grande variété de régimesy compris des États à parti unique, des gouvernements militaires, des administrations intérimaires neutres et même des gouvernements civils soutenus par l’armée qui ont promis des réformes. Pourtant, malgré ces approches variées, le rêve d’établir une démocratie libérale ne s’est jamais réalisé. Toutes ces initiatives, bien que différentes dans leur structure et leurs intentions, n’ont pas réussi à provoquer les changements profonds et durables nécessaires à la construction d’une société démocratique.
Le problème clé, à mon avis, est que chaque régime a tenté d’initier un changement à partir du système existant. La culture politique bien ancrée et les faiblesses institutionnelles ont rendu presque impossible la sortie du cycle de la corruption, de l’inefficacité et de la corruption. autoritarisme. Plutôt que de démanteler ou de restructurer le système, ces gouvernements ont agi dans ses limites, perpétuant la même dynamique qui a finalement conduit à la montée du système. Le régime autoritaire de Hasina. Ce contexte historique me fait douter que le gouvernement de Yunus réussisse là où d’autres ont échoué.
Une occasion manquée de changement radical
Ce qui distingue le gouvernement intérimaire des régimes précédents est la situation sans précédent dont il a hérité. Pendant la révolution, de nombreux institutions étatiques sont devenus soit non fonctionnels, soit exploités à une capacité considérablement réduite. Pendant une brève période, les forces de police ont été presque totalement absentet d’autres institutions, notamment le pouvoir judiciaire et la bureaucratie, n’étaient que partiellement fonctionnelles. Cela a créé une rare opportunité pour le gouvernement intérimaire de sortir du système existant et de tracer une nouvelle voie avec l’aide des révolutionnaires.
Toutefois, le gouvernement actuel n'a pas réussi à saisir cette occasion. Plutôt que d’adopter une approche révolutionnaire et d’utiliser l’élan de la révolution pour démanteler et reconstruire des institutions brisées, le gouvernement a choisi d’opérer dans le cadre des mêmes contraintes qui ont longtemps tourmenté le pays. C’est peut-être la raison la plus importante pour laquelle la justice et les réformes radicales resteront hors de portée sous cette administration.
Le problème de l'identité
La confusion entourant l'identité du gouvernement complique encore davantage sa capacité à apporter des changements significatifs. Ce gouvernement intérimaire n’est ni un gouvernement intérimaire neutre chargé uniquement de superviser les élections, ni un gouvernement révolutionnaire déterminé à remodeler la nation. Sa position ambiguë a créé un sentiment d’instabilité et d’incertitude. Il lui manque la légitimité d’un gouvernement neutre qui bénéficie d’un large soutien politique, et en même temps, il n’a pas le zèle révolutionnaire ni le mandat nécessaire pour imposer le type de réformes radicales qui sont désespérément nécessaires.
Cette confusion identitaire n’est pas seulement théorique : elle a des conséquences concrètes. Les partis politiques sont déjà commencer à faire pression pour les électionssentant que le manque de clarté et d'orientation du gouvernement le rend vulnérable. La pression en faveur de la tenue d’élections ne fera que croître, détournant l’attention des questions les plus urgentes de justice et de réforme.
Un gouvernement qui s’affaiblit
Le problème s’ajoute au fait que le gouvernement intérimaire s’est montré faible face aux protestations et à l’opposition. Plutôt que de rester ferme dans sa politique et de démontrer son engagement en faveur des réformes qu'il prétend rechercher, le gouvernement a capitulé à plusieurs reprises devant diverses demandes. Même si la recherche d’un consensus est importante dans toute démocratie, cette tendance à l’apaisement signale aux observateurs nationaux et internationaux que le gouvernement n’est pas assez fort pour résister à la pression politique.g
Dans un pays aux problèmes aussi profonds que le Bangladesh, cette faiblesse empêchera le gouvernement intérimaire de prendre les décisions difficiles nécessaires aux réformes. Le pays est confronté à des défis importants en tant que pays en développement, et l'incapacité du gouvernement à résoudre ces problèmes ne fera qu'aggraver la frustration de la population. Déjà, la hausse de l'inflation et l'incapacité à s'attaquer au problème hausse des prix des produits de base ont laissé les citoyens ordinaires désillusionnés. Si le gouvernement continue sur sa voie actuelle, cette frustration croissante le délégitimera aux yeux du peuple, rendant de plus en plus difficile pour Yunus et son équipe de mettre en œuvre les changements promis.
L’incapacité à aborder la responsabilité
L’un des échecs les plus flagrants du gouvernement intérimaire est son incapacité à garantir justice aux victimes de la révolution. Les massacres qui ont eu lieu pendant le soulèvement restent largement impunis, et de nombreux auteurs fuir le pays ou restant intégré au système. La demande de responsabilité du public est ignorée, ce qui constitue une source majeure de frustration pour ceux qui ont tant sacrifié pendant la révolution.
Cette incapacité à demander des comptes aux auteurs de ces actes est symptomatique d’un problème plus vaste : l’incapacité du gouvernement à rompre avec le passé. Les mêmes élites, fonctionnaires et structures de pouvoir qui ont permis le régime autoritaire de Hasina sont toujours en place, limitant la portée des réformes. Rapports de corruption dans les promotions bureaucratiques pendant le mandat du gouvernement intérimaire soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à sa capacité à tenir ses promesses de justice et de réforme. Ce premier signal suggère que le gouvernement est déjà confronté à des difficultés pour rompre avec les culture de corruption qui pèse depuis longtemps sur les structures de gouvernance du Bangladesh. Sans une rupture nette avec ces éléments, la justice restera insaisissable et toute tentative de réforme sera, au mieux, superficielle.
Dans le but de démontrer son engagement en faveur du changement, le gouvernement intérimaire a créé six commissions chargé de mettre en œuvre des réformes. Toutefois, si le gouvernement intérimaire continue de perdre sa légitimité, ces commissions deviendront probablement des efforts symboliques plutôt que des agents de changement réel.
Conclusion
La révolution menée par les étudiants en 2024 a apporté l’espoir d’un nouveau départ pour le Bangladesh, mais il semble peu probable que le gouvernement intérimaire dirigé par Mohammad Yunus apporte la justice et les réformes radicales que beaucoup espéraient. Les échecs historiques des régimes précédents, l’occasion manquée d’opérer en dehors du système existant, l’identité confuse du gouvernement, sa faiblesse face à l’opposition et son incapacité à demander des comptes aux auteurs de crimes sont autant d’indices d’une administration qui a du mal à trouver sa place. Si le gouvernement ne parvient pas à résoudre ces problèmes rapidement et de manière décisive, il connaîtra le même sort que ses prédécesseurs : il sera loin de réaliser le rêve d’un Bangladesh véritablement démocratique et juste.