La visite révolutionnaire de Kishida en Inde
Le Premier ministre japonais Kishida Fumio, à droite, et le Premier ministre indien Narendra Modi discutent avant leur réunion au niveau de la délégation à New Delhi, Inde, le 20 mars 2023.
Crédit : AP Photo/Manish Swarup
Lors de sa visite en Inde le mois dernier, le Premier ministre japonais Kishida Fumio a réalisé un grand pas en avant dans les relations bilatérales. Il y a trois facteurs en particulier à noter.
Tout d’abord, Kishida a redonné sa motivation à l’Inde. Il l’a fait en annonçant le « Nouveau plan pour un ‘Indo-Pacifique libre et ouvert' » en Inde et en soulignant son importance. L’utilisation de l’Indo-Pacifique visait à l’origine à remplacer « l’Asie-Pacifique » et à inclure l’Inde. C’est pourquoi le prédécesseur de Kishida, Abe Shinzo, qui a été le premier à proposer l’idée, a présenté le concept (ou plutôt sa base dans la « Confluence des deux mers ») au Parlement indien en 2007.
Cependant, depuis que la Russie a envahi l’Ukraine, la coopération avec l’Inde a souffert. La position de l’Inde sur la Russie est en contradiction avec celle du Japon (et celles des États-Unis et de l’Australie). Pendant ce temps, Abe, qui a conquis le cœur des Indiens avec son plaidoyer pour l’Indo-Pacifique, a été assassiné. La coopération avec le Japon s’est donc enlisée par manque de motivation.
C’est pour aller au-delà que Kishida a annoncé un plan concret en Inde basé sur l’Indo-Pacifique. Le fait que l’annonce ait été faite en Inde – où le concept indo-pacifique a été introduit pour la première fois – joue sur la fierté locale et donne à l’Inde des raisons de se sentir à nouveau motivée.
Deuxièmement, il est important de noter que le plan de Kishida visait à mettre le Sud global du côté du Quad. Avec la croissance économique, les pays du Sud ont de plus en plus d’influence et ne peuvent plus être ignorés. Elle est à l’avant-garde de la concurrence sino-américaine, la Chine cherchant à étendre son influence grâce à un programme extrêmement ambitieux de construction d’infrastructures avec son initiative Ceinture et Route, ainsi qu’à la diplomatie des vaccins. Pendant ce temps, depuis son invasion de l’Ukraine, la Russie est en lutte avec l’Occident pour gagner le soutien du Sud global.
Ce soutien pourrait être un facteur clé pour déterminer les résultats futurs. Après la Première Guerre mondiale, il y avait 32 nations du côté qui a gagné la guerre et quatre du côté qui a perdu. Après la Seconde Guerre mondiale, il y avait 54 gagnants et huit perdants. Pendant la guerre froide, 54 nations faisaient partie de l’Occident triomphant et 26 étaient alliées à l’ex-Union soviétique. De toute évidence, il y a une tendance pour le camp qui a le soutien du plus grand nombre de pays à sortir vainqueur.
Pendant ce temps, cette année, le Japon préside le G-7 tandis que l’Inde préside le G-20. Ensemble, le Japon et l’Inde jouent donc des rôles de premier plan, notamment pour persuader les pays du Sud. C’est pourquoi l’Inde est sérieuse au sujet du G-20 cette année, organisant plus de 200 événements dans plus de 50 villes.
Pourtant, le ministre japonais des Affaires étrangères Hayashi Yoshimasa était absent de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G20 en Inde début mars, humiliant Delhi qui s’était sérieusement préparée à l’événement. Si le Japon avait invité le Premier ministre indien en tant qu’invité au G-7 dans ces circonstances, il ne serait probablement pas venu.
La visite de Kishida en Inde a rectifié cela. Le Premier ministre japonais visite l’Inde, et le Premier ministre indien rend la pareille avec une visite au Japon. Le Japon et l’Inde ont pu travailler ensemble pour reconstruire le système de mise en œuvre des mesures Global South en associant le G-7 et le G-20.
La troisième raison pour laquelle la visite de Kishida en Inde a été un grand pas est liée à sa visite en Ukraine. Kishida avait initialement annoncé qu’il se rendrait en Inde du 19 au 22 mars. En fait, il a quitté l’Inde pour l’Ukraine via la Pologne le 20 mars. Cela aurait obligé le Japon à expliquer à l’avance le plan du Premier ministre à l’Inde. Lorsque le Premier ministre a quitté l’Inde le 20 mars, l’Inde aurait toujours eu la responsabilité de sa sécurité. En d’autres termes, la visite de Kishida en Ukraine était la première opération diplomatique secrète impliquant une coopération entre le Japon et l’Inde depuis le début de la guerre en Ukraine. Cela renforce la confiance.
Ces raisons combinées ont fait de la visite de Kishida en Inde une importance historique. Si l’Indo-Pacifique doit se développer sur la base de la coopération entre le Japon et l’Inde, cette visite sera considérée comme ayant joué un rôle important.