L’impact de l’instabilité politique sur la sécurité intérieure du Pakistan
Les groupes terroristes sont des sous-produits des conflits et de l’instabilité. Ils prospèrent dans de telles conditions et les exploitent pour faire avancer leurs récits et attirer des recrues et des financements. Les groupes terroristes utilisent également l’anarchie comme couverture pour saper l’autorité de l’État adverse et l’utilisent pour mener des attaques, en particulier dans les zones de haute sécurité. Plus le chaos est grand, plus les groupes terroristes ont de chances de prospérer dans une société.
Le Pakistan n’est pas étranger à l’instabilité politique et au terrorisme, mais la vague actuelle de tensions politiques opposant l’ancien Premier ministre Imran Khan, le dirigeant politique le plus populaire du pays, au chef de l’armée, le général Asim Munir, l’homme le plus puissant du pays, est sans précédent. Actuellement, le Pakistan est confronté à une triple crise d’instabilité politique, d’instabilité économique et de résurgence du terrorisme.
L’arrestation dramatique de Khan par les Rangers paramilitaires du Pendjab le 9 mai a déclenché des protestations et des émeutes chez ses partisans. Ils ont visé les installations, les symboles et les postes de contrôle de l’armée pakistanaise, poussant les tensions politiques à un point de rupture.
Dans ce contexte, on peut s’attendre à ce que les groupes terroristes au Pakistan, en particulier les Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP) et les séparatistes baloutches, exploitent les tensions politiques actuelles pour motiver leurs combattants. Les dirigeants de ces groupes chercheront à signaler à leur base que des campagnes militantes concertées peuvent les rapprocher de leurs objectifs.
L’arrogance de l’État pakistanais face à l’opposition politique et l’incapacité du gouvernement du Mouvement démocratique pakistanais (PDM) à contrôler la flambée des prix des matières premières et à conclure un accord avec le Fonds monétaire international pour arrêter la dévaluation de la roupie ont érodé la confiance du public dans le dispense actuelle. Dans une situation où le droit de vote et le droit de manifester pacifiquement, malgré les violentes émeutes qui ont suivi l’arrestation de Khan, sont bloqués, des jeunes en colère pourraient recourir à la violence, notamment dans les zones de conflit périphériques.
Il est important de mentionner qu’en dépit de la dissolution des assemblées du Pendjab et du Khyber Pakhtunkhwa en janvier, le gouvernement PDM a décidé, malgré les ordonnances contraires de la Cour suprême, de ne pas tenir d’élections dans les deux provinces dans le délai constitutionnel de 90 jours. pour des raisons de sécurité et de manque de fonds.
Cette atmosphère est faite sur mesure pour que les groupes terroristes attirent les jeunes vulnérables à rejoindre leurs rangs et à réaliser avec force ce qui leur a été refusé pacifiquement.
Après la prise de contrôle de l’Afghanistan par les talibans en août 2021, la situation sécuritaire au Pakistan était déjà instable, entraînant une augmentation de 52 % du terrorisme. Dans cette situation, la décision du gouvernement PDM d’appeler l’armée pakistanaise en vertu de l’article 245 de la Constitution pour rétablir et maintenir l’ordre dans les provinces du Pendjab et de Khyber Pakhtunkhwa exposera non seulement les troupes à des attaques potentielles dans les principales villes, mais détournera également leur attention du contre-terrorisme en cours. et les opérations de contre-insurrection.
Il convient de mentionner que la police a été la cible principale des attaques du TTP à Khyber Pakhtunkhwa. En outre, la polarisation politique actuelle au Pakistan sapera également les efforts des forces de sécurité pour forger un consensus national dans la lutte contre les groupes terroristes et s’approprier politiquement les campagnes antiterroristes.
D’où le déclaration du commandant influent du TTP, Mufti Sarbakaf Mohmad, le soi-disant gouverneur du Baloutchistan du groupe wilayat, n’est pas surprenant car il a tenu l’armée pour responsable de l’épreuve politique actuelle du Pakistan. Il a félicité les manifestants en colère pour avoir vandalisé et incendié des installations militaires à travers le pays, en particulier l’attaque contre la résidence d’un haut responsable militaire à Lahore. En outre, il a jeté son poids derrière les manifestants et a apporté son soutien à des incidents similaires à l’avenir. Il a également exhorté les militants du TTP dans les principales villes du Pakistan à cibler les installations militaires sous couvert de protestations.
De toute évidence, le TTP, par sa propagande, tente d’exploiter les divisions entre l’État et la société pour attirer des recrues et la légitimité de sa campagne violente, et utilise le chaos comme bouclier pour étendre son réseau aux principales villes du Pakistan. Plus longtemps la situation volatile prévaudra, mieux ce sera pour TTP.
De manière alarmante, lors des manifestations actuelles, la police de Karachi a déjoué un attentat suicide visant un chantier naval appartenant à des Chinois dans la ville portuaire. Des gardes de la police postés à un poste de contrôle à l’extérieur du chantier naval ont tué un militant portant un gilet suicide, tandis que l’autre s’enfuyait. Au moment de l’attaque, 31 ressortissants chinois se trouvaient à l’intérieur du chantier naval, en train de réparer des navires. Si les assaillants avaient réussi à pénétrer à l’intérieur des locaux du chantier naval et à faire exploser le gilet, ses implications en matière de sécurité pour le corridor économique Chine-Pakistan auraient été considérables.
De même, un groupe militant peu connu, Tehreek-e-Jihad Pakistan, a pris pour cible un camp du Frontier Corps paramilitaire dans le district de Qilla Saifullah au Balouchistan le 12 mai, entraînant une impasse de 24 heures. L’attaque a fait deux morts parmi les soldats pakistanais et les sept assaillants ont été éliminés lors de l’opération de nettoyage.
Bien qu’une augmentation spectaculaire des attentats terroristes n’ait pas été observée pendant les tensions actuelles entre l’armée et les Khans au Pakistan, l’intention des groupes terroristes d’exploiter cette situation est visible. Plus l’armée aura recours à la répression politique et à d’autres tactiques autoritaires, plus elle créera d’opportunités pour que les groupes terroristes exploitent la colère des jeunes en les exhortant à prendre les armes pour atteindre leurs objectifs.
De plus, la forte présence de troupes dans les rues des grandes villes en fera des cibles faciles pour les terroristes. Ainsi, les parties prenantes au Pakistan devront descendre de leurs grands chevaux et revoir leur approche actuelle consistant à réprimer les protestations politiques et la dissidence. Le pays a besoin d’un consensus entre les différentes institutions étatiques et les acteurs politiques sur une date électorale, en tenant compte des défis politiques, économiques et sécuritaires.